Habitué des pamphlets-chocs (Bowling for ColumbineFahrenheit 9/11Sicko), pour lesquels il a malheureusement parfois tordu les faits, Michael Moore a le grand mérite, ne l'oublions jamais, d'avoir ravivé l'intérêt populaire pour la forme documentaire dans son pays qui s'empiffre de blockbusters. Il a beau connaître le succès à l'étranger, c'est toujours au citoyen lambda américain que Michael Moore s'adresse dans ses films, et Where to Invade Next ne fait pas exception. Rien d'étonnant non plus à ce que son dernier documentaire prenne l'affiche pendant la course des élections américaines; ce n'est pas la première fois qu'il fait le coup.

Mais cette fois, son approche est beaucoup plus positive. Plutôt que de se concentrer sur ce qui ne va pas chez lui, le documentariste s'intéresse à ce qui fonctionne bien ailleurs, pour se demander au bout du compte pourquoi les États-Unis n'ont pas l'audace de s'offrir le meilleur, alors qu'ils ont l'habitude d'aller chiper chez les autres.

C'est l'angle du film: Michael Moore, natif de Flint, au Michigan, traverse l'Atlantique pour envahir des pays européens (ainsi que la Tunisie) et s'approprier leurs bonnes idées.

Ce sont les cafétérias scolaires et l'éducation sexuelle en France, les semaines de congé en Italie, les usines humaines d'Allemagne et son travail de mémoire sur la Shoah, la dépénalisation de l'usage des drogues au Portugal, la façon dont on traite et réhabilite les prisonniers en Norvège, l'université gratuite en Slovénie, la nouvelle constitution et l'accès aux soins de santé des femmes en Tunisie, le féminisme et la parité dans les hauts lieux du pouvoir en Islande, où les banquiers qui ont plombé l'économie ont été mis en prison.

À chacun de ces gains admirables pour les sociétés, conquis par la mobilisation des peuples, Moore présente des contre-exemples de son pays qui font passer, disons-le, les États-Unis pour une république de bananes. Le public américain (et le public québécois en ces temps d'austérité) devrait sortir de ce film non pas en se disant «pourquoi est-ce comme ça?», mais «pourquoi n'est-ce pas comme ça?».

Le danger de l'angélisme

Moore, toujours patriote, rappelle aussi que ces bonnes idées proviennent au départ de l'Amérique, qui a abandonné en chemin ses idéaux de justice dans son obsession de l'argent. Avec un ami, Moore se promène près des ruines du mur de Berlin, se remémorant à quel point tout le monde était convaincu, avant sa chute, que ce mur était là pour rester, prolongeant sa réflexion sur ce concept simple qui a fait le succès d'Obama, «Yes, we can». Accompagné d'un appel vibrant pour plus de femmes en politique, le message d'appui à Hillary Clinton se fait comprendre assez vite, mais le programme de Where to Invade Next colle tout aussi bien à Bernie Sanders.

Or voilà, la subtilité n'est pas la plus grande qualité de Michael Moore. Ce documentaire, orienté manifestement à gauche, flirte très souvent avec les clichés et l'angélisme. Un peu comme dans Bowling for Columbine, lorsque Moore, en tâtant des poignées de porte, concluait rapidement qu'au Canada, les gens ne ferment rien à clé. C'est bien beau de montrer des mesures sociales merveilleuses, mais il passe sous silence les taux de chômage et les crises économiques de plusieurs pays européens qu'il visite.

Disons que le documentariste préfère voir le verre à moitié plein et offrir aux spectateurs peu informés, avec l'humour qu'on lui connaît, une sorte de guide des programmes sociaux «pour les nuls».

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DOCUMENTAIRE. Where to Invade Next (V.F.: L'invasion américaine). De Michael Moore. 2h.

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