Deux ans de la vie de Jesse Owens, c'est peu. Ces deux années furent toutefois si marquantes sur le plan historique qu'elles renferment assez de matière pour nourrir un bon long métrage. De facture classique, Race est un drame biographique captivant, qui se distingue notamment par les différents angles qu'emprunte le récit.

Au coeur de cette histoire, un athlète. En cette année 1934, le talent de Jesse Owens (Stephan James, très bon) est repéré par un jeune entraîneur, Larry Snyder (Jason Sudeikis, excellent aussi). Ce dernier, un athlète qui a raté l'occasion de se faire valoir aux Jeux olympiques de Paris 10 ans plus tôt, voit en cet homme ce qu'il est: un athlète d'exception. Dans cette Amérique encore ségrégationniste, la plupart ne voient pourtant que la couleur de la peau.

Au-delà des arcanes habituels du drame sportif, Race ratisse beaucoup plus large. 

Parce que le contexte est très particulier. Au moment où Owens atteint la pleine mesure de son talent, le régime nazi est en pleine opération de propagande en Allemagne, pays organisateur des Jeux de Berlin en 1936. Au sein même du comité olympique américain, une vive discussion a lieu entre les partisans d'un boycottage, dont le discours est mené par Jeremiah Mahoney (William Hurt), et ceux qui, comme Avery Brundage (Jeremy Irons), estiment qu'il vaut mieux s'y présenter quand même.

Un film sur le cinéma

Race est aussi un film sur le cinéma. Une bonne partie du récit est consacrée au travail de la réalisatrice Leni Riefenstahl (Carice van Houten). Cette pionnière, qui avait capté sur pellicule le grand rassemblement nazi de Nuremberg dans Le triomphe de la volonté deux ans plus tôt, est mandatée par les autorités pour filmer pour la postérité ces Jeux. Adolf Hitler, rappelons-le, n'a pas lésiné sur les moyens pour faire de ces Jeux un outil de propagande, imposer l'image de son régime et montrer la supériorité de la race aryenne.

En raflant quatre médailles d'or aux épreuves d'athlétisme à la face même du Führer, Jesse Owens a évidemment inscrit son nom dans les livres d'histoire. Malgré ses exploits exceptionnels, l'athlète n'a guère eu droit à de la reconnaissance de la part des autorités américaines.

Stephens Hopkins (Under SuspicionThe Life and Death of Peter Sellers) évoque aussi cet épisode moins glorieux, mais le choix de concentrer son film sur une période précise de la vie de Jesse Owens l'empêche de mieux développer cet aspect.

Sa réalisation est toutefois très convaincante, y compris dans les scènes de compétition.

On s'étonnera aussi que Race soit le tout premier long métrage à s'intéresser à la vie de ce héros dont le temps commençait à effacer la mémoire. Il aura fallu des producteurs québécois et européens pour y penser. Étrange, non?

* * * 1/2

DRAME BIOGRAPHIQUE. Race (V.F.: 10 secondes de liberté). De Stephen Hopkins. Avec Stephan James, Jason Sudeikis, Jeremy Irons et William Hurt. 2h14.

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PHOTO FOURNIE PAR FOCUS FEATURES