À l'évidence, le contexte dans lequel évoluent les jeunes femmes autour desquelles est construit le récit de Mustang est dramatique. La grande qualité de Deniz Gamze Ergüven, qui signe ici un premier long métrage très enthousiasmant, est de refuser toute victimisation.

La réalisatrice franco-turque préfère de loin saluer l'impétuosité des cinq jeunes femmes dont elle suit le parcours. Indomptables et conquérantes, en dépit de tous les obstacles qui se posent devant elles.

Dans le petit village turc où le récit est campé, où règnent des valeurs ultraconservatrices, on ne badine pas avec le comportement des jeunes filles. Dans une maison au bord de la mer Noire vivent cinq adolescentes, toutes soeurs, élevées principalement par une grand-mère - et aussi l'un des fils de cette dernière - qui ne sait plus comment canaliser l'énergie de ces êtres dont les moindres gestes - banals et innocents - sont vus comme autant de possibles dérives sexuelles. Le jour où les chahuteuses sont surprises en train de s'amuser sur une plage en montant sur les épaules de garçons, c'en est trop.

Ainsi, l'oncle prend tous les moyens pour «dresser» les jeunes insolentes. Désormais séquestrées dans la maison, où toute sortie est pratiquement interdite, les soeurs ne peuvent plus fréquenter l'école non plus. On les force également à épouser de «bons» maris inconnus, qui sauront bien leur enseigner comment doit se tenir une femme respectable.

Convient-il de préciser que Mustang est un film contemporain dont l'intrigue est située à notre époque?

À cette chape de plomb, la réalisatrice oppose l'humeur frondeuse de jeunes femmes qui organisent leur résistance à leur façon. La meneuse de la troupe est d'ailleurs une gamine âgée de 12 ans. Qui n'hésitera pas à brûler une chaise dans la rue en guise de protestation puisque, si on y pense bien, cet objet s'approche aussi des parties génitales des filles quand elles s'assoient...

Au-delà de la dénonciation, la manière...

La fratrie se démantèle pourtant physiquement dès que l'une des membres de la bande des cinq quitte la maison pour suivre un improbable mari. Aussi la réalisatrice ne manque pas de faire écho aux malheurs individuels qui frappent certaines d'entre elles, y compris une visite à l'hôpital pour conduire un test de virginité après une nuit de noces de laquelle ne subsiste aucune trace sur le drap.

Mais au-delà de la dénonciation, il y a aussi la manière. Sur ce plan, Deniz Gamze Ergüven propose une approche remarquable, qui célèbre en douceur l'esprit rebelle de ces femmes, un peu comme l'avait fait Nadine Labaki il y a quelques années dans son très beau film Caramel.

C'est dire que la réalisatrice filme sans ostentation la beauté naturelle de ces femmes. Et prend le pari de célébrer leur féminité plein écran. Comme un bras d'honneur administré à ces intégristes aux yeux desquels le simple fait d'être femme constitue une provocation sexuelle. Les longs cheveux sont libres, les crinières se révèlent sans attache. Surtout, Mustang rend hommage à la fougue et à l'appétit de jeunes femmes qui, tels les chevaux sauvages, refusent, ne serait-ce que dans leur esprit, les limites de l'enclos dans lequel on tente de les enfermer.

Rappelons que Mustang est l'un des cinq films finalistes aux Oscars dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère. Il est probablement le plus sérieux rival du Fils de Saul.

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Drame. Mustang. De Deniz Gamze Ergüven. Avec Güneş Nezihe Şensoy, Doğa Zeynep Doğuşlu, Tuğba Sunguroğlu. 1h34.

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Image fournie par Métropole Films

L’affiche du film Mustang