Après Un crabe dans la tête, il y a déjà 14 ans, André Turpin nous propose Endorphine, un troisième long métrage aussi original qu'énigmatique sur le temps qui passe (ou qui s'arrête, c'est selon).

Le passé, le présent, le futur, et tout ce qui se glisse dans les interstices de ce continuum, servent de matériau à ce scénario complexe et déconstruit.

Simone (Sophie Nélisse) est une adolescente qui assiste impuissante au meurtre de sa mère (Monia Chokri). Le traumatisme la rend amorphe, détachée et d'une certaine façon insensible à ce qui l'entoure. Elle combat un puissant spleen alors même qu'un sentiment de culpabilité la submerge, sous le regard inquiet de son père.

Est-ce la même Simone qui, d'une dizaine d'années son aînée - mais dans le même espace-temps - est interprétée par Mylène Mackay (dont la ressemblance physique avec Sophie Nélisse est déroutante)? Et la même Simone qui, toujours dans le même espace-temps, est devenue une réputée physicienne d'une soixantaine d'années (Lise Roy)?

Peut-être bien que oui. Peut-être bien que non. À chacun son interprétation. Endorphine est un puzzle aux mille morceaux qu'il est bien difficile d'assembler de manière logique et rationnelle.

Cet étrange ovni cinématographique, qui se distingue par la singularité de son traitement et la densité de son propos, offre plus de questions que de réponses.

Cérébral, conceptuel et métaphysique, ce film atypique s'apprécie comme un collage de séquences de rêve qui font penser, à certains égards, au cinéma de David Lynch (ou encore au récent Enemy de Denis Villeneuve, dont Turpin fut longtemps le complice à la direction photo). Peut-on parler d'ellipses lorsque la trame narrative semble se dérouler en simultané, mais dans des univers parallèles? Une autre question sans réponse.



Énigme non résolue

La réalisation d'André Turpin est, sans surprise, extrêmement précise, soignée et étudiée. La facture visuelle de son film est à la fois riche et clinique, résultat d'une quantité de plans répétitifs et symétriques. Certains effets de style sont particulièrement réussis: notamment les visages de ces trois femmes qui se fondent l'un dans l'autre.

Les comédiennes sont très convaincantes, et l'on comprend aisément pourquoi le cinéma hollywoodien s'est entiché de Sophie Nélisse, jeune talent à l'état brut. Mais Endorphine reste, au final, un mystère hermétique, difficile à percer. Une énigme non résolue, un brouillard opaque, qui en laissera plusieurs pensifs, les yeux mi-clos, à se gratter la tête.

* * * 1/2

Drame. Endorphine. D'André Turpin. Avec Sophie Nélisse, Mylène Mackay, Monia Chokri, Lise Roy et Guy Thauvette. 1 h 24.

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Image fournie par Les Films Christal 

Endorphine