Louis Cyr, dont la première avait lieu hier soir au Théâtre Maisonneuve, est le film populaire qu'attendait le cinéma québécois. Pas seulement pour raviver un box-office moribond et attirer de nouveau le public dans les salles, mais parce qu'il donne la juste mesure d'une figure légendaire de notre patrimoine national.

Antoine Bertrand se surpasse dans le rôle de Louis Cyr, fils d'un cultivateur canadien-français expatrié aux États-Unis, vivant de peine et de misère avec ses neuf frères et soeurs à Lowell, au Massachusetts, et rêvant de devenir »l'homme le plus fort du monde".

Avec subtilité et un investissement entier dans son jeu, Bertrand traduit à la fois la détermination, l'ambition, l'arrogance et les péchés d'orgueil de ce héros canadien-français mythique, qui vécut de 1863 à 1912. Un homme fort derrière lequel se cachait un homme vulnérable, ainsi que le souligne avec un peu d'insistance le scénario du film.

La composition tout en nuances d'Antoine Bertrand empêche le récit de virer à l'eau de rose. Comme du reste le jeu de l'ensemble des acteurs, en particulier Guillaume Cyr (dans le rôle du fidèle second Horace Barré) et Rose-Maïté Erkoreka, qui interprète Mélina Comtois-Cyr, la femme (forte de caractère) de l'homme fort.

Inspiré entre autres par la biographie de Louis Cyr par Paul Ohl - ainsi qu'un texte publié en 1908 dans La Presse par le journaliste Septime Laferrière -, le film de Daniel Roby (La peau blanche, Funkytown), scénarisé par Sylvain Guy (Liste noire), raconte de manière classique le parcours hors-norme d'un homme prêt à conquérir «l'univers».

Jeune homme, Louis Cyr gagnait le salaire de deux ouvriers à l'usine de textile de Lowell, où il travaillait pour trois et »mangeait pour dix", selon sa mère. On allait bientôt lui offrir cinq fois cette somme pour faire la démonstration de sa force en public. Avec sa femme, Cyr fonda un cirque ambulant qui fit sa fortune, à la fin du XIXe siècle. Mais il aspirait à une reconnaissance internationale.

De manière habile et efficace, le réalisateur Daniel Roby mène la barque avec doigté, reconstituant l'époque avec force détails, magnifiant le personnage sans masquer ses parts d'ombre. Si quelques ressorts dramatiques semblent convenus, Roby parvient à bien transmettre l'émotion des personnages, les accès de colère, les déceptions comme les victoires, petites et grandes.

Louis Cyr rappelle d'autres films québécois sur le combat de héros populaires emblématiques (Maurice Richard, notamment). Cent ans après sa mort, Louis Cyr est toujours détenteur de records du monde d'épreuves de force. Le film qui lui est consacré a tout pour devenir le champion du box-office québécois de l'été.

Louis Cyr - L'homme le plus fort du monde

(***1/2)

Drame biographique de Daniel Roby. Avec Antoine Bertrand, Guillaume Cyr, Rose-Maïté Erkoreka, Gil Bellows. 2h12.