C'est à la fois intrigant et froid pendant de longues minutes. Il vente. Deux hommes escaladent des rochers nu pied, un caillou dans la bouche.

Le terrain est aride, hostile. Au même moment, au pied de la montagne, une fille qui se croit possédée se soumet à la magie noire d'une vieille dame aux dons multiples.

Pendant sa première demi-heure, La porte d'or (Nuovomondo, présenté en version originale italienne avec sous-titres français) ne semble campée à aucune époque précise.

Nous aboutissons finalement dans la Sicile du début du XXe siècle en période d'émigration massive vers l'Amérique, terre d'exile paradisiaque si l'on en croit les cartes postales envoyées dans le Vieux Monde, qui montrent des arbres dans lesquels poussent argent sonnant et légumes géants!

À une époque où croquer dans la Grosse pomme semble l'unique solution pour un avenir meilleur, Salvatore (sublime Vincenzo Amato) laisse tout tomber: terre peu fertile, animaux et maisonnette où il habite avec sa mère et ses deux fils. Dans son baluchon: des vêtements propres et de grands rêves. Innocents comme des enfants, le paysan et sa famille mettent le cap sur un pays aussi fascinant qu'inconnu. L'Amérique (New York plus précisément) équivaut à la terre promise dans la Bible.

On imagine le choc des paysans à la vue des édifices new-yorkais. Le réalisateur Emanuele Crialese (Respiro) nous épargne l'arrêt cardiaque de ses personnages, car son film s'arrête là où le In America de Jim Sheridan démarre. À Ellis Island où les immigrants, à l'époque, devaient se soumettre, dès leur arrivée, à une batterie de tests médicaux et d'intelligence.

Les autorités américaines décidaient ensuite de les accueillir ou de les rapatrier immédiatement après un mois de voyage en bateau dans des conditions insalubres.

L'histoire ne pourrait être que misérabiliste. Si la situation, vécue par des gens très fiers, est effectivement triste, Crialese allège le tout en faisant pénétrer le spectateur dans la tête du héros. Salvatore rêve constamment. À l'image de son titre en français, La porte d'or demeure lyrique, même dans ses moments les plus durs et dégradants.

L'histoire est racontée en tableaux, avec de nombreux plans fixes, une mise en scène souvent théâtrale et des dialogues bonbons sortis de la bouche de gens naïfs pour qui il est difficile de se plier en un claquement de doigts à de nouvelles règles. Ajoutez à cela le début d'une histoire d'amour entre Salvatore et une Anglaise (mystérieuse Charlotte Gainsbourg) rencontrée juste avant de prendre le bateau.

De quoi, on le répète, faire avaler mieux le côté austère de l'aventure peinte avec des plans en plongée qui donnent le frisson, des scènes de groupe dramatiques savamment chorégraphiées et d'autres absurdes qui nous font réaliser à quel point ne foulait pas qui voulait le sol du nouveau monde.

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NUOVOMONDO (V.F.: La porte d'or), drame d'Emanuele Crialese. Avec Vincenzo Amato, Aurora Quattrocchi, Francesco Casisa et Charlotte Gainsbourg.

Las de se tuer à la tâche sur une terre aride, un paysan sicilien décide de faire le grand saut en Amérique.

Un sujet lourd enrobé comme un bonbon.

* * * 1/2