Tata, Mariam, Abir et Donia se promènent à cheval. Lancent des blagues, des injures, avec un franc-parler désarmant. Attrapent dans la rue des coups, des enfants et des fous rires. Bienvenue dans le quotidien, libre, violent et incertain, de jeunes femmes en Égypte.

Dans l'Égypte musulmane, les enfants qui choisissent de vivre dans la rue sont de plus en plus nombreux. Ces filles-là effleure les raisons expliquant ce phénomène social en pleine explosion. Un univers familial étouffant. La crainte des coups du père, du frère ou du mari. Bref, un carcan social, culturel et religieux trop lourd.

Ce qui frappe dans Ces filles-là n'est pas tant le sujet lui-même, que la façon dont la réalisatrice Tahani Rached l'aborde. Sa caméra suit les filles dans leurs délires et dans leurs misères. Elles s'ouvrent devant elle de ce qui les tracasse, de leurs craintes et de leurs espoirs.

Car le quotidien des filles n'est pas seulement ponctué de larmes ou de frayeur à l'idée de se faire égorger par leur père. Ces filles-là présente aussi la solidarité surprenante de policiers, mais aussi d'autres hommes dans la rue. Bref, tout n'est pas beau dans la rue, mais peut-être y est-on moins seule que sous le toit paternel.

Tahani Rached parvient à suivre le quotidien des filles sans s'y immiscer, tantôt terni par un mauvais coup, tantôt embelli par la venue de Hind, «mère» bienveillante des filles. Âgée d'une cinquantaine d'années, Hind incarne l'antithèse des filles. Musulmane voilée, mariée, elle mène une vie confortable. Et pourtant, elle écoute, conseille, aime et a besoin des filles.

On retrouve dans ce documentaire présenté à Cannes, Namur, New York, au Caire, et aussi au Festival du nouveau cinéma de Montréal, le regard humain et sensible de Tahani Rached (Au Chic resto pop, Quatre femmes d'Égypte).

La réalisatrice, retournée en Égypte depuis son renvoi de l'ONF en 2004, est fidèle à ses habitudes documentaires et laisse le soin à ses sujets de choisir de se livrer ou non, et quand le faire. Ce documentaire sensible et foisonnant donne accès des tranches de vie frappantes de sincérité.

On regrettera toutefois un manque de mise en contexte sur la descente des enfants d'Égypte dans la rue, ainsi qu'une narration parfois brouillonne. Bien peu de choses, il est vrai, à côté de la vivacité, dans les bons et les mauvais moments, des quatre jeunes filles.

________________________

* * *

Ces filles-là, documentaire de Tahani Rached.

Au Caire, la réalisatrice d'origine égyptienne suit Tata, Mariam, Abir et Donia, quatre jeunes filles qui ont choisi de vivre dans la rue.

Un regard sensible sur la violence mais aussi sur la liberté de vivre dans la rue.