Conrad (Denis Trudel) est un lâche, qui, comme les autres, s'ignore jusqu'au jour où sa force et sa faiblesse sont mises à rude épreuve. Dans le Québec des années 60, ce fossoyeur tranquille fait son quotidien entre cimetière et foyer, où vit sa froide et dirigeante femme, Juliette (Geneviève Roux) et leur fillette, Angèle (Marie-Ève Beauregard).

Un jour, son chemin croise celui de Madeleine (Hélène Florent). Madeleine a la cuisse légère, mais persuade Conrad de ses sentiments. Elle évente un jour le plan que son «ami régulier» a mis au point pour se remplir les poches : ils projettent d'enlever une jeune fille, Anna Roy, pour l'échanger contre une rançon. Conrad est horrifié par ce projet bien peu moral, mais décide de ne pas s'y opposer, ni de vendre Madeleine à la police.

Bref, Conrad devient le complice silencieux mais consentant du crime crapuleux qui se noue dans la maison de Madeleine. Il est tiraillé entre sa raison et sa morale (quasi inexistantes), et ses sentiments amoureux, qu'il porte, de façon assez inexplicable, à la fatale Madeleine. Ce silence va conduire tout ce beau monde au drame.

Dans ce premier long métrage, Marc Bisaillon s'est attaqué à un sujet bien peu reluisant mais surtout, risqué. Pendant La lâcheté, le réalisateur abandonne son spectateur au milieu d'une galerie de personnages pour lesquels il est impossible de ressentir de l'empathie.

On comprend que Madeleine n'a pas eu la vie facile, on comprend aussi que Conrad n'est pas un salaud intégral et qu'il est plutôt du genre à se laisser bêtement manipuler, par sa femme, puis par une prostituée. On comprend, mais on ne s'attache en rien à ces antihéros.

La psychologie de Conrad laisse perplexe. Il se laisse complètement plumer et rejeter par sa femme et par Madeleine, et finit par devenir le marginal du village. Il s'abandonne à une folie meurtrière, explicable d'après Marc Bisaillon, par sa lâcheté.

On peut reconnaître à Marc Bisaillon le talent pour rendre ses personnages complètement insupportables. Le réalisateur n'en rajoute pas dans le glauque, mais montre ce qui se passe de façon très simple. C'est brillamment filmé, intelligemment monté.

Il semble malgré tout qu'en fait de lâcheté, c'est de cruauté dont il est question. Cruauté gratuite de Madeleine envers sa victime, cruauté inattendue de Conrad envers Madeleine, cruauté de Juliette envers son mari. Seules les fillettes Anna et Angèle ne s'abaissent pas au niveau de couardise des adultes, et se tirent, moralement du moins, indemnes du film.

Il est rare - et courageux - pour un cinéaste de ne montrer que des personnages insupportables de lâcheté, de bêtise ou de cruauté. Le film de Bisaillon est en cela une réussite totale. La question est de savoir si l'on a envie de passer 95 minutes en compagnie d'êtres bassement et cruellement humains.

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* * * 1/2

La lâcheté, suspense psychologique de Marc Bisaillon. Avec Denis Trudel, Hélène Florent, Geneviève Rioux, Stéphane Demers, Louis-Georges Girard.

Conrad Tremblay mène une vie sans histoire jusqu'au jour où il rencontre Madeleine, une prostituée. Elle se prépare à commettre le pire, sous les yeux d'un Conrad atterré, mais toujours silencieux...

Des personnages insupportables de lâcheté et de cruauté.