À la fois drame intimiste et social, réaliste et métaphorique, politique mais parfois hilarant, Bamako est une oeuvre brillante dans son propos et sa mise en scène

Abderrahmane Sissako compose une grande mosaïque à partir d'un petit microcosme humain, une cour jouxtant plusieurs maisons où se dévoilera peu à peu l'Afrique de tous les jours et de toutes les peines. Et l'Afrique de la sagesse aussi.

Le cinéaste nous laisse saisir cette problématique complexe à notre propre rythme, entremêlant adroitement les séquences du tribunal et de la vie quotidienne.

L'influence du néoréalisme italien est évidente. Le réalisateur pose sa caméra sur des gens ordinaires. Il en fait ressortir quelques-uns pour exposer un propos et les remet dans cet arrière-champ des anonymes.

Les noms des personnages ont peu d'importance dans un tel tableau. Néanmoins, lauréate du César du meilleur jeune espoir féminin pour son rôle de Melé, l'actrice principale Aïssa Maïga est lumineuse.

Tous les personnages, très souvent des non-acteurs, ont un rôle de premier plan à jouer. Ce sont des témoins qui démontrent au tribunal le cul-de-sac atteint par un continent, face aux institutions internationales indomptables, voire inhumaines.

«Je dénonce la nature prédatrice du système», affirme une écrivaine venue dire l'odieux de la situation. Et l'avocat de la partie civile d'ajouter: «La Banque mondiale est coupable de non-assistance a peuple en danger.»

Çà et là, la caméra capte un enfant qui joue avec les papiers de la cour ou un mariage qui interrompt le procès, comme autant de preuves que le coeur de l'Afrique bat toujours. Le cinéaste se permet aussi des envolées surréalistes avec la télévision locale.

Exemple: un western où des cow-boys massacrent femmes et enfants dans un village africain. Parmi les méchants: l'Américain Danny Glover.

Tout est bien dosé, réfléchi et vivant dans ce film humaniste. Une thèse est défendue, mais jamais avec cynisme et lourdeur. Le film s'abreuve surtout de gens qui rient et pleurent, vivent et meurent.

Des gens conscients que l'Afrique est victime d'une supercherie. Quiconque verra Bamako le sera aussi désormais.

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BAMAKO, drame de Abderrahmane Sissako. Avec Aïssa Maïga, Tiécoura Traoré, Maimouna Hélène Diarra, Balla Habib Dembélé et Danny Glover.

Un couple se déchire pendant que, dans la cour commune partagée avec d'autres familles, se déroule un procès contre le FMI et la Banque mondiale.

Une mosaïque brillante sur l'Afrique lucide.