Dire de la vision du futur que propose Alfonso Cuaron ( Y Tu Mama Tambien, Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban) qu'elle donne froid dans le dos serait un euphémisme. La force dramatique de Children of Men (Les fils de l'homme en version française) réside justement dans l'extrapolation d'une réalité qui, d'une certaine façon, existe déjà. Comme une volonté d'éclairer le présent en imaginant les conséquences possibles de certains dérapages actuels.

2027, c'est à peine demain. Londres est une ville assiégée où règne un régime totalitaire dont sont exclus les immigrants. Les actes terroristes font partie du quotidien. La société est déshumanisée. Le cycle de la vie y est tellement déréglé qu'aucune naissance n'a été enregistrée sur la planète depuis 2009, sans que personne ne puisse vraiment savoir pourquoi.

C'est dans ce contexte qu'évolue Théo (Clive Owen), un fonctionnaire qui, à l'invitation d'une ancienne amoureuse (Julianne Moore), joint les rangs d'un groupe de pression qui réclame notamment l'égalité des droits pour les immigrants. Il tentera de faire sortir clandestinement du pays une jeune Noire (Clara Hope-Ashitay), la première femme à porter un être humain en son sein depuis 18 ans.

Alfonso Cuaron, qui adapte ici le roman éponyme de P.D. James, dépeint ainsi une société de nature «orwellienne», dont l'idéologie ne rappelle que trop les lois qu'ont adoptées certains gouvernements au nom de la démocratie.

Au-delà du caractère politique du récit, Children of Men se distingue surtout par quelques moments immenses de cinéma. En grande partie composé de longs plans séquences, le film distille une énergie peu commune, et vibre au rythme de scènes parfois époustouflantes. On retiendra notamment cette poursuite infernale, filmée de façon magistrale, où les fugitifs sont coincés dans un immeuble pris d'assaut par l'armée.

Dommage, toutefois, que Cuaron ait parfois tourné les angles un peu rond sur le plan du récit. Plusieurs aspects de cette histoire restent sans réponse. L'infertilité collective, le néo-fascisme dans lequel la société britannique a plongé, la « mission» des forces de résistance, ou la nature de l'organisation qui prendra la jeune femme enceinte en charge, sont trop sommairement évoqués.

Si les rencontres avec Michael Caine, qui incarne un ancien collègue de Théo installé à la campagne, se révèlent bienvenues, il reste qu'elles ne semblent être placées là que pour fins de divertissement.

Children of Men prend ainsi plus les allures d'un film qu'on ressent dans sa chair, au-delà de la raison. Et à ce compte-là, l'effet est très réussi. Le voyage n'a peut-être rien de plaisant (la vision est vraiment très sombre, très angoissante), mais il provoque assurément une réflexion sur l'évolution de la condition humaine.

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* * * 1/2

CHILDREN OF MEN, drame d'anticipation réalisé par Alfonso Cuaron. Avec Clive Owen, Julianne Moore, Michael Caine, Clare Hope-Ashitey. 1h48.

En 2027 à Londres, un homme est chargé de surveiller clandestinement la première femme à devenir enceinte depuis 18 ans.

Une vision angoissante qui renferme des moments immenses de cinéma.