Il existe probablement un gros malentendu à propos de Cheech, cette adaptation cinématographique de la pièce à succès de François Létourneau. Les artisans du film évoquent en effet la notion de «comédie» quand vient le moment de décrire la nature de cette histoire sordide, mais ils font du même souffle référence au caractère dramatique du propos. Or, la part tragique du récit l'emporte ici largement sur le reste. L'approche qu'a empruntée le réalisateur Patrice Sauvé ne parvient que trop rarement à faire basculer le récit dans l'aspect «fabuleux» indiqué au départ. On aura ainsi du mal à s'intéresser aux destins de ces paumés dont les parcours sont trop grossièrement dessinés pour créer un véritable courant empathique avec le spectateur.

Il faut dire aussi que le fil du récit est bien mince: Ron, le propriétaire d'une petite agence d'escortes (Patrice Robitaille), se fait voler son «book» dans lequel sont photographiées toutes les filles qui travaillent pour lui. Il se trouve qu'à la veille d'un important congrès, le distingué professionnel doit ce jour-là convaincre un client de faire affaire avec lui plutôt qu'avec une grosse agence rivale.

Sur cette trame, Létourneau, qui signe lui-même le scénario de l'adaptation de sa pièce, greffe quelques petites histoires convergentes: une prostituée aux idées suicidaires (Fanny Mallette) se présente chez un client en état de dépression (François Létourneau); un voisin (Maxime Gaudette) tente de sauver les apparences en masquant sa profonde solitude; la plus populaire des filles de Ron (Anick Lemay) tâte le terrain de la concurrence; un assistant (Maxime Denommée) est prêt à tout pour sauver du désespoir celle qu'il aime...

Autrement dit, tous les protagonistes traversent les pires moments de leurs vies. On tente bien entendu de désamorcer un peu la part tragique du récit en introduisant des éléments de comédie grinçante, mais ceux-ci fonctionnent rarement. La façon dont l'histoire est construite ne laisse jamais non plus vraiment l'occasion d'approfondir les personnages. D'où cette impression d'un récit inabouti, qui manque surtout de nerf et de substance.

Cela dit, certains éclairs nous font parfois entrevoir le beau film que Cheech aurait pu être. La puissance d'évocation contenue dans quelques scènes (la pharmacie, la fête d'anniversaire ratée, les techniques de «renforcement positif») est en effet indéniable. Malheureusement, tout n'est pas ici du même calibre.

Patrice Sauvé, qui signe sa première réalisation pour le cinéma, tente parfois de compenser la minceur du propos par des effets de style mais son approche n'est pas assez folle, pas assez éclatée. Du coup, les acteurs doivent ajuster leur jeu en conséquence, adoptant ainsi un ton plus linéaire, plus monocorde, d'où toute fulgurance est pratiquement proscrite. Seuls Maxime Denommée, étonnant dans le rôle de l'assistant, et Gilles Renaud, en concurrent libidineux, parviennent à donner un peu de couleur à leurs personnages. On soulignera aussi le bel enrobage musical de Normand Corbeil.

Les bons éléments de ce film ne parviennent toutefois pas à sauver l'ensemble. Dommage.

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* * 1/2

CHEECH, Comédie dramatique réalisée par Patrice Sauvé. Avec Patrice Robitaille, Anick Lemay, François Létourneau, Maxime Denommée.

Les destins de six individus se croisent le jour où le propriétaire d'une petite agence d'escortes se fait voler son «catalogue».

Un récit inabouti, qui manque de nerf et de substance.