Il est d'abord question de rats dans The Departed, même si pendant deux heures et demie, les personnages principaux du plus récent film de Martin Scorsese jouent aux chat et à la souris. C'est à quelle crapule trouvera l'autre en premier dans ce film haletant du réalisateur de Mean Streets à la distribution généreuse. Nommez-les, ils y sont: Jack Nicholson, Leonardo DiCaprio, Matt Damon, Mark Walhberg, Alec Baldwin, Martin Sheen... Ne manque à l'appel que De Niro! Probablement parce que le film se passe au sud de Boston et non à New York, là où la pègre irlandaise plus qu'italienne a longtemps sévi.

D'abord, un organigramme: The Departed (Agents troubles en version française), remake du film hongkongais Infernal Affairs, met en scène le chef de bande Frank Costello (Nicholson). À ses côtés, sévissent Colin Sullivan (Damon), qu'il a pris sous son aile très jeune et à qui il a assuré une formation de policier et Billy Costigan (DiCaprio), qui veut faire le bien et devenir policier même si sa famille a toujours fait le mal. Le premier deviendra, une fois policier, le rat du chef de la pègre. Le deuxième, agent double pour la police. À leurs pieds, des dealers de cocaïne qui exécutent les ordres de Costello et des enquêteurs qui rêvent depuis toujours de foutre en prison ce dernier. Si, au départ, Scorsese prend le temps de placer les choses, l'action prend le dessus en deuxième moitié de film. Les revirements de situation sont nombreux dans cette histoire où les personnages gardent étonnamment les deux pieds dans la réalité. Le langage est direct, coloré. Les détectives sont machos, vulgaires. Pas de doute, on est dans un milieu où les hommes font la loi... mais où faire part de ses angoisses est bienvenu. Surtout quand on n'en peut plus de mener une double vie.

Tout passe dans les regards de Damon et DiCaprio, très bons joueurs. On est d'abord face à des humains qui, dans le cas de Sullivan, ne pourrait être plus dévoué à son maître et qui, dans celui de Costigan, rêve d'effacer le passé mafieux de sa lignée.

Cela dit, impossible pour Scorsese, qui aime montrer la violence dans ce qu'elle a de plus brutale et directe, d'évacuer l'humour de ses récits. Le réalisateur s'est fait plaisir pour sa toute première collaboration en carrière avec Nicholson. Il a laissé l'acteur s'éclater sur son plateau. Si on est parfois tenté de donner à Nicholson une pénalité de deux minutes pour cabotinage, il s'acquitte bien de sa tâche en chef de clan de 70 ans sexuellement dérangé et avide de pouvoir.

The Departed devient du coup à la fois drôle, humain et violent. Un divertissement où on en fait juste un peu trop pour scotcher le spectateur à son siège. Où le cellulaire a aussi toute la place -bien des combines se trament par la voie de la messagerie-texte- et devient l'arme potentielle (et peu crédible) de destruction des amitiés, des ambitions des protagonistes et de la machine patiemment mise en place pour pincer les escrocs.

The Departed est un face à face bien senti, avec des gens qui ne savent pas toujours s'ils sont bons ou scélérats. Un face à face aussi avec le passé qu'on souhaite enterrer et ce qu'on rêve de construire pour s'assurer un bel avenir.

* * * 1/2

The Departed, film d'action de Martin Scorsese. Avec Jack Nicholson, Leonardo DiCaprio, Matt Damon et Mark Wahlberg. 150 minutes.

Deux recrues de la police bostonienne, qui ont grandi au sein de la pègre irlandaise, tentent de tirer leur épingle du jeu aux côtés du chef de clan qu'on cherche à abattre.

Chassé-croisé haletant.