Agressif, urgent, volubile, tonitruant et sans compromis, ce documentaire est, de forme, à l'image du sujet qu'il aborde : la scène punk américaine des années 80 (ou post-punk, ou pré trash-metal, on ne s'y retrouve plus.) Et, encore à l'image du mouvement, ou plutôt du «spasme» culturel dont il brosse le portrait, American Hardcore passe très vite et ne veut pas forcément mener quelque part. Punk et liberté sont indissociables et, après avoir vu ce film, on est plus que jamais convaincu qu'il ne s'agit pas d'un genre musical à proprement parler mais d'un style de vie, exclusivement adolescent. Musique et poésie y sont réduites à leur plus simple expression, tout tient dans l'attitude, le bagou et le déni général de tout ce qui s'approche de l'élégance, du confort et de la beauté.

American Hardcore propose, en ouverture et en conclusion, quelques ébauches d'explication mais ne pousse jamais jusqu'à l'analyse : le punk hardcore américain serait la réaction spontanée d'une certaine jeunesse contre les idéaux de l'ère Reagan : famille, travail, vertu.

Par les nombreuses entrevues présentées dans ce film, on comprend assez vite que ces punks, aujourd'hui vieillissants, étaient (et sont encore pour la plupart) incapables de tenir un discours politique cohérent ou même un peu pertinent. Ils avaient peu à offrir au change, sinon une charge émotive destructrice et électrisante. Une sorte de rite exutoire.

Ici documentariste, Paul Rachman connaît bien le milieu pour avoir lui-même tourné des vidéos pour des groupes punk. En bon fan, il n'est pas tant intéressé à fouiller le phénomène qu'à nous en présenter les principales figures. Apparemment Rachman a beaucoup d'amis et entretient d'excellentes relations (on y croise des gens de Bad Brains, Black Flag, Gang Green, Circle Jerks, SS Decontrol, et des dizaines d'autres). Les amateurs de ce type de musique seront heureux de voir leurs idoles, devenues quadragénaires, déplorer la platitude abyssale de la pop rock ordinaire, d'hier et de maintenant, contre laquelle ils se sont insurgés.

Les néophytes découvriront une faune insolite et un art de contestation radicale fascinant. Et éphémère : à l'instar de la chanson punk idéale, American Hardcore, qui relève du collage de témoignages plus que de l'essai, est bien tassé et encapsule, avec un budget réduit, un maximum de paroles (un maximum d'infos) en un minimum de temps.

Le dernier intervenant dans ce documentaire nous laisse très clairement entendre que le mouvement hardcore américain s'est bel et bien évanoui en 1986. Et qu'après, on s'en crisse...

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American Hardcore, documentaire de Paul Rachman.

1981-1986 : de la naissance à la mort du vrai punk américain.

Documentaire rapide, furieux et sans issue, comme son sujet.