En 1990, Victor Pellerin disparaissait, détruisant avant son mystérieux départ l'ensemble de son oeuvre. Quinze ans plus tard, la réalisatrice Sophie Deraspe revient sur l'artiste, son ascension fulgurante et son oeuvre, rendus l'un comme l'autre insaisissables.

Se succèdent face à la caméra ses proches. Sa soeur, Élisabeth L. Gauthier, son ancienne petite amie, la danseuse Anne Lebeau, le comédien Julien Poulin, mais aussi la célèbre galeriste torontoise Olga Korper et le galeriste montréalais Éric Galvin.

Difficile de parler de Rechercher Victor Pellerin, un film qui mise sur l'effet de surprise, sans détruire une partie du charme. Disons pour résumer qu'il n'y a rien d'anormal à ce que vous n'ayez jamais entendu parler d'un peintre nommé Victor Pellerin.

Oui, Sophie Deraspe prend un plaisir manifeste à mêler les genres. Elle convoque face à la caméra des personnages «réels» de la scène artistique canadienne pour raviver des souvenirs, évoquer des expositions et potinages scandaleux liés à feu l'atelier Jan Kilinski.

Une série de coups de théâtre amène la réalisatrice à délaisser le documentaire traditionnel, orthodoxe et propre sur lui pour le cinéma direct, où il n'y a plus aucun interdit. Les personnages, eux, surenchérissent dans le bluff, les secrets et les vrais-faux souvenirs.

La réalisation est soignée, et le film, tourné en 35mm, propose de belles compositions. Sophie Deraspe promène son spectateur d'un bout à l'autre du film, et le laisse trouver ses marques dans un jeu de piste habile, situé dans les dessous pas toujours très propres du «milieu» artistique canadien.

Ce premier long métrage de Sophie Deraspe, venue au cinéma après un passage par les arts visuels, est sans conteste l'une des originalités québécoises de l'année. Elle pose avec habileté des questions cinématographiques essentielles : Qu'est-ce qui fait la valeur d'un artiste? Qu'est-ce qu'un documentaire? Faut-il opposer documentaire et fiction?

À en croire la tendance actuelle, la réponse à la dernière question serait négative. Le vrai-faux documentaire est plus que jamais tendance. Et c'est peut-être la réserve majeure que l'on peut adresser à Sophie Deraspe. Après l'assassinat de George Bush (Death of a President, de Gabriel Range), les vacances de la famille Egoyan (Citadelle) ou les mémoires de Jacques Chirac (Dans la peau de Jacques Chirac, de Karl Zéro), la manipulation du spectateur au moyen de ce procédé perd de sa force et de sa pertinence.

Il y a des longueurs dans le film, une certaine confusion dans le déroulement de l'intrigue tout comme un manque de cohérence dans l'évolution des rôles joués par les personnages. Enfin, la réalisatrice elle-même doit-elle vraiment passer devant la caméra pour prendre part au jeu de piste? Pas si sûr.

Malgré ces réserves, il y a chez Sophie Deraspe un talent et une originalité indéniables. Des qualités qui, on n'en doute pas, l'amèneront à surprendre à nouveau. Une réalisatrice et artiste à suivre.

_____________________________________________

* * *

VICTOR PELLERIN, documentaire-fiction (?) de Sophie Deraspe.

Quinze ans après la disparition du célèbre peintre Victor Pellerin, la réalisatrice Sophie Deraspe suit les préparatifs de l'exposition qui lui sera consacrée.

Une proposition artistique originale, intelligente, en dépit d'un scénario un peu trop long et trop confus.