On aurait pu s'en douter à la sortie de Braveheart: Mel Gibson est obsédé par la violence et la torture exercées sur des hommes de bien mis à nus (moralement et physiquement). Sauf que sa première réalisation... ben, était une première; et répondant aux canons de la grosse production hollywoodienne, s'en est tirée avec les honneurs que l'on sait. Personne n'a alors pensé à lui suggérer une séance de divan chez le psy.

C'était avant qu'il ne remette ça avec cet insupportable chemin de croix qu'est La Passion du Christ. Et, depuis hier, Apocalypto.

Tourné dans les paysages époustouflants de Catemaco, l'une des dernières forêts tropicales du Mexique, et à Veracruz, ce long long métrage (près de deux heures et demie) extrêmement violent (ça se décapite, ça s'étripe, ça s'empale à répétition et avec imagination), et dont les dialogues sont en maya (oui, il y a des sous-titres), suit le destin de Jaguar Paw (Rudy Youngbood, charismatique et convaincant), fils du chef d'un village où, en ces années 1500, les Mayas qui vivent en harmonie avec la nature se la coulent douce et belle.

Il en va autrement on ne sait trop pourquoi, Mel Gibson n'étant pas intéressé par la mise en contexte pour ceux qui ont bâti villes et pyramides. Ils brûlent les villages, capturent les hommes pour en faire des esclaves ou pour les sacrifier. Jaguar Paw et ses proches subiront ce sort. Laissant derrière eux les enfants. Et quelques femmes, dont celle du héros, enceinte. Réfugiée, avec leur fils, dans un puits. À sec. Mais la pluie ne saurait tarder. Compte à rebours pour Jaguar Paw. Qui s'échappe et qui est poursuivi par les méchants. Cours, Maya, cours!

Une virée en enfer, quoi. Qui se supporte quand même mieux que celle de La Passion. Ne serait-ce que parce qu'au-delà du message souligné à gros trait rouge (sang) "Attention à vous qui vous détournez de l'environnement et de la spiritualité!" peut être vu comme un film d'action, point.

Le rythme est trépidant. Mel Gibson sait filmer les chasses à l'homme. Et, rendons à ce César (qui est plus Néron que Jules) ce qui lui revient, il a les moyens de (re)créer un monde: les costumes, les masques, les tatouages-scarifications-et-piercings sont très réussis; et l'utilisation du maya, bien maîtrisé par les acteurs (aussi inconnus que crédibles), agit comme une machine à voyager dans l'histoire.

Le hic, c'est le manque de mesure du réalisateur. La demie, il ne connaît pas! Pourquoi ne montrer qu'une seule fois le bourreau en train d'arracher un coeur? Allez, on y va d'une deuxième! Pourquoi se limiter à un charnier où s'entassent des centaines de corps décapités? Allez, on y va de milliers! Pourquoi se contenter d'un miracle (une éclipse... allô Temple du soleil!) pour permettre à Jaguar Paw de s'échapper? Allons-y de deux (plongeon dans une chute), de trois («évasion» des sables mouvants), de quatre (complicité involontaire d'une panthère).

Et, non, ce n'est pas tout. On se taira sur ce qui se passe dans le puits-prison (là aussi, les dangers et les miracles... pleuvent) et sur la dernière scène, où frappe le destin avec un grand D. Disons seulement qu'à un moment donné, on a envie de pouffer devant tant d'enflure et de sérieux. Mais Mel Gibson n'entend pas à rire. Sinon, il le cache bien.

* * 1/2

APOCALYPTO, drame de Mel Gibson. Avec Rudy Youngblood, Dalia Hernandez, Jonathan Brewer, MorrisBirdyellowhead.

Des Mayas «urbains» s'attaquent à des Mayas «nature», qu'ils réduisent en esclavage ou sacrifient du haut des pyramides. L'un des «bons» Mayas échappe à la torture et à la mort, et court à perdre haleine pour retrouver sa femme enceinte et leur petit garçon, eux aussi en danger.

C'est Indiana Jones sans humour. C'est Mad Max au temple du Soleil. C'est Gallipoli dans la jungle. C'est la passion de Mel Gibson pour le sang et la torture, s'entend.