C'est un premier cours magistral de philo, lors d'une rentrée universitaire qui sera décisive. Eloi Duhaut (Malik Zidi), fils de la célèbre écrivaine Florence Duhaut (Dominique Blanc), fait la connaissance d'Alexandre Parniente (Alexandre Steiger), un comédien en herbe, et d'André Morney (Thibault Vinçon).

André est un étudiant érudit, flamboyant, flambeur, qui se plaît à citer ses philosophes préférés, tout en humiliant ceux qu'il accuse de veulerie. Ce personnage fantasque et charismatique fascine Alexandre et Eloi. Il devient leur maître, leur impresario, leur père. Le jeu est risqué, car, c'est bien connu, les élèves peuvent dépasser (et surpasser) le maître.

À première vue, ce troisième long métrage d'Emmanuel Bourdieu, primé lors de la Semaine de la critique du dernier Festival de Cannes, sent le parisianisme à plein nez. À l'exception de quelques incursions dans le quartier des éditeurs, le gros du drame des Amitiés maléfiques se noue autour du Panthéon, dans le Ve arrondissement.

Eloi, André et Alexandre portent bien évidemment des chemises et des vestons, ainsi que la mèche ébouriffée. Les jeunes filles, en robes ballons, dansent le rock'n'roll. Tous concluent naturellement leurs phrases de «voilà tout» plutôt que de «quoi» et citent philosophes et écrivains à tour de bras.

Langage, habillement, mais aussi moeurs: Les amitiés maléfiques usent de références surannées, celle du Paris blanc, intellectuel et bourgeois des années 60. Autant dire un Paris aussi idéalisé et peu réaliste que celui d'Amélie Poulain. Le réalisateur et fils du sociologue Pierre Bourdieu maîtrise visiblement les codes des «classes dominantes» et en connaît un rayon sur les rapports entre un maître et son disciple.

Mais, reconnaissons-le, Emmanuel Bourdieu possède un véritable talent pour raconter des histoires. Après une première partie (trop) académique, le récit prend véritablement son envol quand André annonce à ses amis son départ pour les États-Unis, où il doit rédiger son doctorat.

Il y a de la cruauté, chez Bourdieu et Marcia Romano, sa coscénariste, à montrer André le nihiliste devenir la victime de ses attitudes frondeuses et dégringoler les barreaux de l'échelle sociale. Surtout quand ses amis atteignent avant l'âge un confort tout bourgeois: l'un, comme comédien (à la Comédie-Française) l'autre comme écrivain (lauréat du prix Médicis).

Débarrassé de ses oripeaux «germanocentristes» et de ses (trop nombreuses) mises en abîmes, on trouve toutefois dans Les amitiés maléfiques la difficulté de devenir et les déchirures, silencieuses, douloureuses et définitives, des amitiés de jeunesse: des tortures somme toute universelles.

Le charme des interprètes de ce trio amical opère vite, et bien. Tant Thibaut Vinçon excelle dans son interprétation de l'ami «maléfique», tant Malik Zidi (Gouttes d'eau sur pierres brûlantes) donne à son personnage, blond, brillant et discret, l'angélisme de la jeunesse.

Dommage que pour Emmanuel Bourdieu, le monde se divise en deux catégories: ceux qui réussissent - et deviennent un artiste «rive gauche» - et ceux qui se ratent - et s'enrôlent là où la pensée libre n'existe plus : l'armée.

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Les amitiés maléfiques, comédie dramatique d'Emmanuel Bourdieu. Avec Thibault Vinçon, Malik Zidi, Dominique Blanc, Alexandre Steiger et Natacha Regnier.

Lors de la rentrée universitaire, Eloi, Alexandre et André se lient d'amitié.

Un récit intelligent, servi par des comédiens très convaincants, mais truffé de parisianismes.