La génération 101 est né à la radio, dans une émission de Marie-France Bazzo. Une table ronde avec des «enfants de la loi 101». Claude Godbout est captivé par leur vision de l’intégration, époustouflé par la qualité de langage de ces jeunes qui ont le français pour langue seconde.

 

Quelques années après l’émission, il retrouve quatre de ces jeunes pour tracer leur parcours. Mais il s’intéresse parallèlement à ceux qui sont aujourd’hui dans les écoles secondaires pour comparer deux cohortes : une qui s’est intégrée et l’autre qui tente de le faire.

«Ils arrivent à Montréal dans une société d’accueil où les francophones sont absents parce qu’ils sont soit dans les banlieues, soit dans les écoles privées. Ils vivent dans une bulle des nations et tout ce qui les relie, c’est qu’ils sont des immigrants et qu’ils partagent le français comme langue d’intégration», remarque le réalisateur, connu jusqu’ici surtout pour son rôle de producteur (Les ordres, Les bons débarras).

La génération 101 montre le cheminement très difficile de ces jeunes d’ailleurs qui n’ont pas choisi d’être ici. Ils sont confrontés à une langue qu’ils ne comprennent pas, à une crise identitaire, à des valeurs que ne partagent pas toujours leurs familles, à du racisme aussi, parfois.

«J’ai fait exprès pour qu’il n’y ait que des allophones dans le film. Au départ, je pensais inclure M. Bouchard, des historiens du Québec, mais non. Que les Québécois écoutent les immigrants. C’est à eux que le film s’adresse. Le film a cet effet de prise de conscience devant quelque chose de très beau et de très fragile. On a le rôle de s’interroger sur comment se comporter», estime le réalisateur.

Claude Godbout loue le travail du réseau scolaire et des enseignants qui, selon lui, sont en train de réaliser les objectifs de la loi 101. Car les jeunes dont il fait le portrait sont très éduqués, multilingues et engagés dans leur société d’accueil. Souvent, ils aident les plus jeunes à faire leur place; plusieurs professeurs dans le film sont eux-mêmes des immigrants.

«Les plus âgés sont très attentifs aux jeunes, ils se donnent le rôle de passeurs. Et ils sont critiques envers le système car ils voient qu’on peut perdre les jeunes. Dans l’imaginaire québécois, la loi 101 a tout réglé, mais ce n’est que le début de quelque chose.»

Parler français, c’est une étape vers l’intégration. Mais tout ne passe pas par la langue.

«S’il n’y a pas de travail qui s’offre à eux, s’il n’y a pas de ponts économiques vers eux, ils peuvent aller du côté anglophone. Je ne le dénonce pas, ce n’est pas un tort, mais on ne se rend pas compte du capital humain qu’ils représentent», souligne M. Godbout.

La génération 101 se veut-il la réponse aux «votes ethniques» de Jacques Parizeau? Délicate question. Mais il y a un lien. Et les jeunes immigrants qui ont vu le film ont ressenti une grande fierté, dit Claude Godbout, car il montre une image qui leur rend justice.

Cinéma québécois

Un autre grand projet a occupé Claude Godbout ces dernières années : Cinéma québécois, une série de 13 émissions thématiques sur notre cinéma.

«Après 60 ans d’histoire, il fallait le faire et profiter d’un moment où les gens semblent apprécier leur cinéma pour le valoriser et l’expliquer», note le réalisateur, qui a fait équipe avec Georges Privet. C’est diffusé sur Télé-Québec le mercredi à 21h.

Fascinant regard sur l’intégration

Que sont devenus les jeunes de la loi 101? Que sont devenus les immigrants allophones forcés d’étudier en français?

Claude Godbout (producteur de Les ordres) retrace le parcours de quatre de ces jeunes qui parlent aujourd’hui un français meilleur que bien des Québécois de souche et qui, chacun à sa manière, s’investit dans sa société d’accueil.

La génération 101 est en quelque sorte une réponse aux «votes ethniques» que Jacques Parizeau avait rendus responsables de la dernière défaite référendaire. Car le film montre bien que tout n’est pas noir ou blanc et, surtout, que l’intégration à une nouvelle société est un cheminement extrêmement difficile. Les jeunes sont déchirés entre les valeurs de leur famille et celles de leur nouvelle société. Certains se sentent citoyens du monde, certains se sentent Québécois, d’autres cherchent une identité et peinent à comprendre celle du Québec car les Québécois francophones sont souvent absents de leurs classes. L’incompréhension va jusqu’au rejet dans certains cas.

Malgré les embûches, trois des jeunes suivis par Godbout — un Indien, un Hongrois et une Palestinienne — se sentent assez intégrés aujourd’hui pour faire de la politique et même militer pour la souveraineté du Québec.

Le réalisateur porte sur les jeunes un regard fasciné et fascinant. Un regard accueillant et plein d’espoir. Un regard nuancé aussi. Car il ne nous dit pas que tout va bien. Les jeunes qu’il filme s’interrogent sur le racisme et s’interrogent sur l’insertion d’autres jeunes qui parlent français, mais ne cultivent pas, comme eux, un sentiment d’appartenance. Une des scènes les plus intéressantes se déroule dans une école secondaire montréalaise où une enseignante demande au groupe de se diviser en deux : d’un côté ceux qui se sentent intégrés, de l’autre ceux qui se sentent étrangers. Devinez quel groupe est le plus nombreux... Et qu’est-ce que l’intégration? Le débat sur cette question fondamentale est assez relevé.

Pour la télé

La génération 101 est conçu pour la télé; ce n’est pas un documentaire cinématographique. Mais sa grande force, c’est de susciter la compréhension et l’ouverture. Quand on voit les embûches traversées par ces jeunes venus d’ailleurs, la moindre des choses serait de leur tendre la main.