Deux types se réveillent dans un sous-sol dégueulasse, sans possibilité d'en sortir. Qui les a coincés là ? Et pourquoi ? Une débandade.

"Un vrai coup de génie !" lance le USA Today, dans un grand élan d'enthousiasme. Du calme ! On ne veut pas tiédir les ardeurs et dégonfler le ballon, mais SAW, à notre très humble avis, ne mérite quand même pas autant d'emportement et d'exaltation. Et si, indéniablement, ce film d'horreur (d'autres écriraient "ce thriller psychologique") est de la même veine que l'excellent Seven, le jeune réalisateur James Wan ne maîtrise pas son art comme David Fincher. Normal, c'est son tout premier film. Mais on va le chicaner pareil, pour son bien.

SAW (pour "scie" et pour "vu", on comprend le jeu de mots) est très maladroitement remplacé par Décadence en français, titre passe-partout et générique qui ne colle même pas au film (Démence aurai t mieux fait l'affaire, ou carrément Débile mental).

Voici l'histoire : deux types, qui, apparemment, ne se connaissent pas, se réveillent coincés dans un sous-sol pourri. Ils sont solidement enchaînés aux murs, par les mollets, chacun dans son coin de la pièce, et n'ont aucun moyen de se libérer. Entre eux traîne le cadavre ensanglanté d'un homme qui s'est probablement suicidé. Qui donc les a enlevés et pourquoi ? Le kidnappeur mystérieux a laissé traîner un peu partout des indices ; des petites notes, des clés, une cartouche et, bien sûr, la fameuse scie du titre (on devine déjà à quoi elle va servir).

Nous ne révélerons pas le punch, c'est-à-dire les punchs, nombreux et tirés par les cheveux, de cet invraisemblable casse-tête. C'est d'ailleurs le grand problème de SAW : James Wan et son copain scénariste Leigh Whannell (aussi acteur ici) en ont trop fait, en ont ajouté et rajouté jusqu'à saboter ce qui, au départ, promettait d'être un huis clos infernal. On est forcé d'admettre que les angoissantes et étouffantes premières 30 minutes nous scient en deux (rires en cannes). SAW ressemble à un assemblage de trois ou quatre courts-métrages entremêlés et mal ramassés. Trop de changements abrupts dans le style (Wan veut montrer qu'il connaît tous les trucs de caméra possibles et imaginables), trop d'intrigues, de sous-intrigues, de revirements inutiles et de faux dénouement : à la fin, on s'en fout. Et l'impossible punch ultime ne nous surprend plus, on est déjà complètement saoulé au punch.

Soyons sévères, mais justes. Comme on le disait, la première demi-heure (ou à peu près) de SAW nous plonge dans le malaise, le dégoût et l'effroi et constitue en soi un véritable morceau d'anthologie. Plus Wan et Whannell s'acharnent à nous expliquer les choses, plus le malaise se dissipe. Du huis clos glauque et terrifiant, on passe lentement au suspense horrifique ordinaire, avec des fous furieux en liberté, des lieutenants à l'enquête, du blabla policier, de longues explications, enfin on passe à du Fortier version gore, et on n'est plus du jeu. Wan saura se reprendre, c'est certain.