Au Festival de cinéma des 3 Amériques et au Festival des films sur l'art, une dame de 95 ans a fait rire et courir les foules. Claire Martin est de retour à l'écran au Cinéma Cartier ce mois-ci dans Quand je serai vieille, je rangerai mon stylo.

Ce portrait de la romancière de Québec nous fait découvrir l'auteure de Dans un gant de fer, le premier ouvrage ouvertement féministe de notre littérature, qui est aussi le récit de son enfance auprès d'un père monstrueux.

Drôle, directe et vive, Claire Martin retrace son parcours avec un bonheur apparent.
«Rien ne m'amuse plus que ces choses-là, dit-elle au sujet du film. On a l'occasion de dire des choses qu'on n'a jamais dites.»

Assise dans un fauteuil de son salon, Mme Martin se tourne alors vers le réalisateur Jean-Pierre Dussault et lui demande s'il a conservé les chutes du tournage.

«Et si on faisait un drôle de film avec les chutes?» propose-t-elle comme une gamine qui rigole.

L'équipe a pris deux ans pour faire le film, le temps d'être apprivoisée par la romancière et de lui faire oublier la caméra. Le temps aussi de la voir lire, écrire, recevoir ses amis, faire ses courses, recevoir des honneurs. L'Ordre du Québec lui a été décerné en 2007.

«Pourquoi n'y a-t-on pas pensé plus tôt?» lance-t-elle à un invité médusé qui la félicite après la remise de la médaille.

Dans le film, elle donne l'impression d'être un peu détachée face à cette reconnaissance tardive. Pourtant, il n'en est rien. Car les distinctions sont un baume sur les plaies de son enfance.

«Ça me fait plaisir les honneurs, j'adore les honneurs! Il n'y a rien que j'aime comme ça! On me dit toutes sortes de choses agréables. Si mon père entendait ça...»

Indépendance d'esprit

Claire Martin a trouvé dans les livres le bonheur qui a manqué à son enfance. Adulte, affranchie de sa famille, elle a su se bâtir une vie heureuse. Et une solide indépendance d'esprit. Ses prises de position contre l'usage du joual, par exemple, lui ont valu des injures.
«On m'a injuriée, mais ça me passait par-dessus la tête. Je me disais que le joual allait mourir. Et d'ailleurs, il est pas mal mort. Aujourd'hui, on parle une sorte de langage familier. Le joual n'est que du mauvais français», dit-elle avec conviction.

De la même manière, dans les années 40, Mme Martin savait s'affirmer devant ses collègues annonceurs à Radio-Canada, indignés de savoir qu'elle, une femme, gagnait le même salaire qu'eux. «Il y a un certain bonheur d'avoir gagné sa liberté. Aujourd'hui, ce n'est pas un gros combat, elle est là la liberté, elle vous attend. Moi, j'ai travaillé fort pour ça», dit-elle.

Claire Martin peut plonger pendant des heures dans ses souvenirs. Quatre-vingt-quinze ans de vie, c'est une mine d'or de souvenirs, et Claire Martin, c'est un peu d'histoire dans l'histoire d'une vie. Mais elle sait aussi regarder devant. Elle a publié sept livres au cours des 10 dernières années et elle a amorcé récemment l'écriture d'un nouveau roman. Elle a beau dire qu'elle est vieille maintenant, elle ne l'est pas encore assez pour ranger son stylo...

***1/2
Quand je serai vieille, je rangerai mon stylo

Documentaire de Jean-Pierre Dussault et Jean Fontaine

On aime
: le personnage, la mise en contexte historique et sociale

On n'aime pas : On aurait apprécié un ou deux points de vue de plus sur sa place dans la littérature