L’art du bon voisinage s’apprend à la dure, avec l’expérience des chicanes de clôtures. Il faut du tact, de la civilité et un sens aiguisé de la diplomatie pour s’arranger avec un voisin embarrassant, qualités dont Leonardo, antihéros de cette comédie dramatique, est totalement dépourvu.

C’est un designer très en vogue et très en vue. Avec épouse et fillette, il habite la Casa Curutchet, seule unité d’habitation conçue par le génial architecte Le Corbusier. Cette construction moderne a donc une haute valeur historique, et Leonardo en prend soin comme d’une œuvre d’art. Aussi voit-il d’un très mauvais œil son voisin immédiat, Victor s’acharner à coups de massue sur un petit pan de mur pour en faire une fenêtre.

Rude et rugueux gaillard, charmeur et manipulateur,Victor, qui ne cherche par ces rénovations improvisées qu’à acueuillir un peu de soleil dans son sombre logis, tâchera péniblement d’apprivoiser l’irrascible Leonardo. En vain. On ne touche pas à l’œuvre du Corbusier, un point (et un poing) c’est tout. S’ensuivra, on s’en doute, une véritable guerre des nerfs (et du coup une guerre des classes) entre le designer bourgeois, hautain et condescendant, et son adversaire prolétaire, faussement accommodant, capable d’ingéniosité pour soudoyer l’ennemi. Ce qui aurait pu se conclure à l’amiable dégénérera en tragédie dans ce cruel El Hombre de al lado (L’homme d’à côté).

Les cinéastes argentins Mariano Cohn et Gaston Duprat y vont mollo dans le propos, les deux personnages, en tous points diamétralement opposés, l’un à l’aise, pédant et méprisant, l’autre issu du «vrai monde» qui ne comprend rien à l’art et dont le tempérament en apparence grégaire peu virer à l’accès de violence, nous sont présentés comme égaux dans leur acharnement malsain. La fin abrupte, voulu probablement choquante, mais à notre prévisible, laisse sur un amer sentiment de frustration. Cette sorte d’étude comparative de psychologie comportementale, visuellement léchée et mâtinée de comédie légère, échappe à la catégorisation et, à travers ce duel, propose des archétypes auxquels on peut (malheureusement) s’identifier, toutes classes confondues. Au Cinéma du Parc avec sous-titres anglais.

EL HOMBRE DE AL LADO (L’homme d’à côté). Drame de Mariano Cohn et Gaston Duprat. Avec Rafael Spregelburd, Daniel Araoz, Eugenia Alonzo. 110 minutes.