Combien de fois dans une vie entend-on -ou dit-on nous-mêmes- l’expression «Ne te mêle pas de ça» de crainte qu’en mettant son nez dans une histoire qui ne nous concerne pas, on ouvre la boîte de Pandore?

Voilà peut-être un conseil qu’aurait dû suivre Pierre Dalpé (David Boutin), un homme qui après une jeunesse de galère a trouvé l’amour et la stabilité auprès de Madeleine (Isabel Richer), intervenante sociale avec qui il a eu trois enfants. Avant d’être un couple, Pierre était un toxicomane qui a reçu l’aide salvatrice de Madeleine.

Pour cette dernière, intervenir auprès des jeunes toxicomanes était et est encore un job exercé jour après jour depuis des années. Mais lorsque Pierre entreprend d’aider Ève (Sophie Desmarais), une jeune prostituée junkie dont il fait la rencontre alors qu’il se met en tête de «nettoyer» la racaille de son quartier, il réveille de vieux démons intérieurs qui vont faire basculer sa vie et celle de ses proches.

Réalisateur et scénariste qui aime bien explorer la vie de gens en marge, Benoit Pilon propose ici un scénario tout à fait original en plus de camper son personnage de Pierre dans un domaine -entrepreneur de ramassage de déchets- peu exploité au grand écran.

D’aucuns auront compris le lien métaphorique entre le travail de Pierre et son désir soudain de rendre son quartier propre, propre, propre. De façon plus approfondie, le réalisateur questionne à travers ses personnages les limites de la relation d’aide. Jusqu’où peut-on aller là-dedans? Qu’est-ce que cela cache? À quel moment doit-on plonger et... en sortir?

Voilà autant de thèmes porteurs. Mais le problème est que ceux-ci arrivent bien loin dans l’histoire, M. Pilon mettant un temps fou à installer ses personnages et à nous conduire au coeur de l’intrigue. Une fois celle-ci dévoilée, le film prend enfin son erre d’aller. Mais il est alors bien tard pour bousculer le spectateur avec les enjeux proposés.

L’ensemble est aussi farci de quelques éléments secondaires, voire tertiaires (l’éboueur gaffeur, la visite chez les beaux-parents) dont on ne gardera aucun souvenir.

Forte, solide sans être pour autant inventive, la mise en scène laissera davantage de traces dans l’esprit, par exemple cette façon de filmer Montréal de loin pour nous rappeler que l’action se situe dans un quartier populaire. Enfin, la plus grande force du film tient à notre avis dans le jeu crédible de bout en bout des trois acteurs principaux.

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Décharge***
Drame réalisé par Benoit Pilon. Avec David Boutin, Sophie Desmarais et Isabel Richer. 1h34