Un film d’espionnage qui se déroule durant la guerre froide en Grande-Bretagne, sans explosion ou poursuite infernale. Pas de blonde sensuelle, de gadgets ou d’Aston Martin non plus. Voici l’antithèse par excellence des films de James Bond.

Les espions nagent ici dans la dentelle et la nuance, l’hypocrisie et le non-dit. Chez John Le Carré, dont le scénario s’inspire, les personnages ne sont ni tout blancs, ni tout noirs.

Une taupe travaillant pour les Russes opérerait au plus haut niveau des services secrets britanniques. Un agent a déjà été tué, croit-on au début, en essayant de découvrir son identité, d’autres pourraient suivre.

Un haut dirigeant sort de sa retraite pour tenter d’éclaircir l’intrigue qui se perd dans des méandres de sous-entendus, de relations amoureuses illicites, de mensonges et de trahisons. L’agent 007 y perdrait vite son latin, nous aussi d’ailleurs, l’accent british étant parfois difficile à décoder.

De nombreux plaisirs cinéphiliques sont, toutefois, au rendez-vous. Les directions artistique (décors, costumes) et photo (couleurs délavées) sont magnifiques. La pluie de vedettes britanniques est également de première qualité: Gary Oldman, d’une retenue parfaite, John Hurt, explosif, et Colin Firth dans un contre-emploi fort pertinent.

Le cinéaste suédois Tomas Alfredson (Let the Right One In) nous présente un thriller psychologique de fort bonne tenue, même si la complexité de l’intrigue peut déboussoler.

Le film fait réfléchir aussi. Il est le reflet d’une époque révolue où les pires secrets s’entouraient d’élégance et de courtoisie, le fait d’hommes confinés à une grande solitude. La nôtre, qui expose tout de tout le monde, tout le temps, n’importe comment, apparaît d’autant plus superficielle.

Ce long métrage intelligent ne dit pas que «c’était mieux à l’époque». Pas du tout. Mais il expose certaines valeurs, comme le sens du devoir, ainsi que la noblesse des sentiments et des actions, ne trouvant plus aucun écho aujourd’hui.

Comme quoi, le triste et le gris du film colorent peut-être plus notre temps que celui décrit dans Tinker, Tailor, Soldier, Spy.

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TINKER, TAILOR, SOLDIER, SPY ***1/2
Thriller de Tomas Alfredson.
Avec Gary Oldman, Colin Firth et John Hurt.
2h07