Les sujets abordés – de front – dans ce Mickaël sont rébarbatifs, pour ne pas dire franchement repoussants.

Il y est question d’un homme célibataire et taciturne (Michael Fuith, brillant dans un rôle particulièrement embarrassant), employé de bureau hors de tout soupçon qui garde secrètement chez lui, enfermé au sous-sol, un gamin de 10 ans qu’il a kidnappé pour en faire son esclave sexuel – et sur lequel il veille pourtant, comme un papa sévère mais juste.

Oui, Mickaël, célébré à Cannes, est une troublante expérience de cinéma, d’autant plus qu’il ne s’y passe pas grand-chose et que le film ne propose aucune leçon de morale. Nous sommes invités à partager l’existence plate et banale de cet improbable duo. La petite victime s’est presque accoutumée à son sort et le bourreau, à sa double vie.

Sans doute inspiré par quelque fait divers sordide dans son pays (la sinistre «affaire Fritzl», en banlieue de Vienne), le réalisateur autrichien Markus Schleinzer se garde bien de présenter un personnage obscène, un satyre de caricature. Son film n’est pas un suspense, mais une chronique de vie. Si Mickaël est sadique, c’est au jour le jour, à la longue, dans les détails. Cette froideur, ce recul, ce refus du parti pris rendent l’oeuvre encore plus difficilement supportable. On en viendrait presque à s’attacher à cet odieux violeur, ce qui n’est pas sans susciter un grand malaise.

Les commentateurs et les critiques auront tôt fait de comparer Schleinzer à ses compatriotes Michael Haneke (Le ruban blanc) ou Ulrich Seidl (Dog Days), qui brossent un portrait assez sordide de la plate société de consommation, portrait également d’une Autriche petite-bourgeoise encore obscurément corrompue et qui ne se serait jamais vraiment remise de son lourd passé nazi – cette Autriche à la tête dans le sable tant honnie par l’écrivain Thomas Bernhard.

Schleinzer n’est pas tout à fait misanthrope et son film, peu agréable et sans message, nous abandonne sur un tas de questions laissées en plan, des questions sur le vernis de la vie ordinaire, sur la nature du mal qui, prévu et préparé, devient habituel. Le dénouement est affreusement prévisible, mais Mickaël tient plus de l’étude de mœurs dérangeante que du thriller trash ou du «film à débats».

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Mickaël. Drame de Markus Schleinzer. Avec Michael Fuith, David Rauchenburger, Ursula Strauss.