Qui succédera à The Departed (Agents troubles), de Martin Scorsese, pour le convoité Oscar du meilleur film? Au jeu des pronostics, toutes les réponses se valent, surtout que l’histoire démontre que le gagnant n’est pas toujours le meilleur. Qui croit encore que The Departed était supérieur à Babel?

Cette année, la seule certitude est que le choix se fera entre No Country for Old Men (Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme), There Will Be Blood (Il y aura du sang) et Atonement (Expiation).

Parlons d’abord des exclus d’office. D’abord Juno, le seul film en nomination qui a franchi le seuil symbolique des 100 millions $ au box-office. Petite comédie sympathique et légère. L’incontournable sleeper du cinéma américain indépendant qui sert de caution morale à Hollywood pour démontrer qu’il existe une vie à l’extérieur du système.

On a apprécié Juno, sans plus. Le film de Jason Reitman agace par sa façon très cool d’aborder le thème de la grossesse chez les adolescentes. La réalité n’a rien à voir avec cette image idéalisée et facile.

Le thriller de Tony Gilroy, Michael Clayton, est également à éliminer. Pas de mise en scène mémorable pour cette production qui rappelle le cinéma américain des années 70. Un excellent trio d’acteurs (George Clooney, Tom Wilkinson et Tilda Swinton, tous en nomination), des dialogues serrés, une intrigue sérieuse qui tient la route, mais rien pour espérer décrocher l’Oscar suprême.

Reste trois films. Le coup de cœur du Soleil, Atonement, gagnant du Golden Globe du meilleur film, l’emporterait qu’on en serait fort heureux. C’est le genre de production à la Patient anglais dont raffole l’Académie. Il y a un hic: l’absence de son réalisateur, l’Anglais Joe Wright, dans la catégorie du meilleur réalisateur.

Il y a aussi deux autres hic pour Atonement : le film de Joel et Ethan Coen, No Country for Old Men, et celui de Paul Thomas Anderson, There Will Be Blood. Deux productions qui se nourrissent à quelques mythes du peuple américain, le désert, les chasses à l’homme, les chercheurs de pétrole. De toute évidence, le choix de l’Académie se fera entre ces deux films.

On donne There Will Be Blood gagnant au fil d’arrivée. Plus complet et plus poignant que No Country for Old Men. Avec l’Oscar du meilleur réalisateur décerné aux frères Coen, tout le monde devrait y trouver son compte.

Nez à nez au fil d'arrivée

Quatre films sont presque nez à nez dans le nombre de nominations pour la 80e cérémonie des Oscars, qui aura lieu demain soir, au Kodak Theatre de Los Angeles. No Country for Old Men et There Will Be Blood en ont huit chacun, une de moins que Atonement et Michael Clayton.

Or, tout le monde sait que le tableau final risque d’être complètement différent. The Color Purple, de Steven Spielberg, en 1986, et The Turning Point, de Herbert Ross, huit ans plus tôt, étaient repartis bredouilles, malgré 11 mises en nominations.

No Country for Old Men devrait mettre la main sur quatre statuettes : meilleure réalisation (Joel et Ethan Coen), meilleur second rôle masculin (Javier Bardem), meilleur scénario adapté (Joel et Ethan Coen, d’après le roman de Cormac McCarthy) et meilleure photographie (Roger Deakins).

There Will Be Blood devrait se contenter de deux Oscars — mais non les moindres — ceux du meilleur film et du meilleur acteur (Daniel Day-Lewis).

On voit mal comment l’Académie pourrait ignorer les fabuleuses partitions de Dario Marianelli, dans Atonement, pour l’Oscar de la meilleure musique. Ce devrait être le seul prix que remportera le film coup de cœur du Soleil en 2007.

Juno sera honoré de l’Oscar du meilleur scénario original, même si on aurait préféré Ratatouille, voire Michael Clayton. Le buzz autour de l’ex-stripteaseuse Diablo Cody (un pseudonyme) est trop fort, un peu comme il l’était pour le gagnant de l’an dernier, Little Miss Sunshine.

Meilleure chance la prochaine fois pour Tony Gilroy, George Clooney et sa bande. Michael Clayton sera zéro en sept.

Deux prix pour Transformers

Le reste des Oscars sera réparti entre différents films. Sweeney Todd : The Demon Barber of Fleet Street devrait être honoré pour la meilleure direction artistique, et Elizabeth : The Golden Age pour ses costumes.

Transformers sera le gagnant de deux Oscars techniques, celui des meilleurs effets spéciaux et du meilleur son. The Bourne Ultimatum l’emportera pour le montage, et la (vulgaire) comédie Norbit, pour les maquillages.

Ratatouille remportera haut la main l’Oscar du meilleur film d’animation. Enchanted (Il était une fois) a trois chances sur cinq de rafler l’Oscar de la meilleure chanson.

Quant à l’Oscar du meilleur documentaire, Michael Moore ne devrait pas répéter son exploit de Bowling for Columbine, il y a cinq ans. Son Sicko n’a fait presque aucune vague lors de sa sortie, et les douteuses méthodes de travail du controversé cinéaste ont été dénoncées dans le documentaire Manufacturing Dissent.