Aline pète le feu: elle fume comme un pompier, se maquille à la truelle, lève le coude sans hésiter, et chante comme si elle avait 20 ans. À 79 ans, la tante Aline a la fureur de vivre, et préfère sentir la cocotte que la naphtaline. Tout pour plaire à sa nièce, Geneviève, chez qui Aline, jeune veuve endettée, débarque à l'improviste.

Aucun doute: Ma tante Aline est une comédie d'été. Et pourtant, quand le réalisateur et co-scénariste Gabriel Pelletier, marqué par le placement en foyer et la mort de sa mère, décide de consacrer un film aux personnes âgées, il est loin de pencher pour le mode humoristique.

«Ma mère est morte pendant le tournage de Karmina 2. Cela avait été une année difficile. J'ai écrit un premier scénario, sur un mode plus dramatique, et puis j'ai eu un appel de Cité-Amérique (la production, NDLR). Ils avaient développé une idée avec Suzanne Charrette. J'ai été séduit», raconte le réalisateur.

À partir de l'idée de Suzanne Charrette, Gabriel Pelletier, Frédéric Ouellet et Stéphane J. Bureau écrivent l'histoire de la flamboyante Aline, ancienne chanteuse de cabaret, qui va s'installer chez sa nièce pour échapper au placement en foyer. Aline (Béatrice Picard) croque la vie à pleins dentiers. Geneviève (Sylvie Léonard), elle, vit de névrose, de produits végétaliens, et refuse de s'engager avec son jeune petit ami, PA (Rémi-Pierre Paquin).

«Je voulais mettre en scène une femme jeune qui se sent vieille, et une vieille qui se sent jeune. Aline va faire revivre Geneviève, raconte Gabriel Pelletier. Dans le film, il y a trois générations. Celle d'Aline, qui connaît les cabarets. Celle de Sylvie, qui est centrée sur la carrière. Et enfin, celle de PA, une génération irresponsable par rapport à la famille.»

Aline s'incruste dans la vie de Geneviève. Dans le luxueux appartement qu'elle redécore à coups de meubles fleuris et rococo, mais aussi dans l'imaginaire de Geneviève, où elle fait revivre la gloire des cabarets montréalais et de la musique cubaine des années 50.

Dans le film, les contes d'Aline prennent la forme de véritables comédies musicales, avec danseurs à manches bouffantes, chansons, et décor en carton-pâte. «On voulait vraiment que les fabulations d'Aline deviennent réelles, dit le réalisateur. C'était un challenge. Frédéric et moi, on tripe sur les comédies musicales, univers totalement étranger à notre culture québécoise.»

Dès les débuts du projet, le nom de Béatrice Picard s'est presque imposé de lui-même pour donner vie à Aline: «Je voulais que ce soit le rôle d'un personnage qui aurait vraiment pu ramener son passé, sa carrière au rôle.» Le réalisateur donne ainsi à la grande dame du théâtre et de la télévision son premier grand rôle au cinéma. «Je me sens privilégié. Je pense qu'elle incarne la vitalité. C'est une battante, elle est active. Pour moi, Béatrice, elle est de son temps. C'est comme le personnage d'Aline», poursuit-il.

Tous les revirements et retournements de situation sont possibles dans Ma tante Aline, où on laisse une grande place au rire. «Le film s'inscrit dans le cadre de la comédie. On ne s'ennuie pas, dit la productrice Lorraine Richard. Je suis contente de montrer des gens qui vieillissent, et qu'il n'y a pas que la beauté plastique. Je n'ai rien contre, mais il n'en demeure pas moins qu'être vieux n'est pas une tare.»

Ma tante Aline fait rire, mais aussi réfléchir, croit Gabriel Pelletier. «Avant, le vieillissement m'interpellait de façon sociale. Pour l'avoir vécu avec ma mère, c'est devenu quelque chose de personnel. J'ai été témoin du sous-financement des foyers. Maintenant, les baby-boomers ne rajeunissent pas. Le problème est très actuel. Sans en faire un message, j'espère que le film va faire réfléchir.»

Sylvie Léonard: «Geneviève, elle est jeune, elle est vieille»

Geneviève, la quarantaine bien entamée, n'aime pas les couleurs, le bacon, l'alcool, les cigarettes ou l'idée de s'engager. Elle aime son travail, et sa vie, dont elle contrôle tous les aspects. Tous ? Jusqu'à ce que sa tante Aline s'en mêle.

«On ne peut pas passer à côté de sa vie en se protégeant tout le temps», trouve toutefois Sylvie Léonard. Avec l'arrivée d'Aline dans sa vie, Geneviève va devoir s'interroger sur sa relation plus ponctuelle qu'amoureuse avec Pierre-Alexandre, un jeune trentenaire qui ne cherche qu'à l'aimer.

«Je trouvais très bien que Geneviève soit plus vieille que PA. On reproche à bien des gars de ne pas pouvoir s'engager, juge Sylvie Léonard. Dans le fond, Geneviève a peur de l'engagement. Cela s'explique bien dans le film, je connais des filles pour qui tout est contrôlé.»

Pour le film, Sylvie Léonard a retrouvé Béatrice Picard, qui fut la mère de Sylvie dans Un gars, une fille. «Elle a l'âge du personnage, et il y a des similitudes. Béatrice a beaucoup d'années de métier, et elle pouvait incarner, avec tout ce bagage-là, ce personnage», dit-elle.

Dans Ma tante Aline, bien des spectateurs pourront être surpris de voir Sylvie Léonard danser la salsa. «Je n'ai aucune prétention d'être danseuse, sauf que quand j'étais jeune, la danse m'attirait. J'ai toujours continué à danser», explique-t-elle.

Plus familière avec le ballet que la salsa, Sylvie Leonard n'a pas eu de mal à entrer dans un nouvel univers. «Je voulais aller jusqu'au bout de ce que j'étais capable de faire. Le résultat, c'est que j'ai tout fait et que ça surprend tout le monde», précise la comédienne.

Rémi-Pierre Paquin (Pierre-Alexandre) : Loin des Invincibles

Bien connu des téléspectateurs, Rémi-Pierre Paquin fait dans le film de Gabriel Pelletier ses premiers pas au grand écran. «Sur le plateau, j'étais le plus jeune, j'étais aussi un ti-cul». Oui, il trouve ça impressionnant de se voir en 16/9e «je ne suis pas narcissique, mais je ne m'étais jamais vu gros de même». Non, il n'a pas encore d'autres projets.

Pierre-Alexandre, l'amant de Geneviève, est un grand enfant au coeur tendre. Il rêve de s'engager avec sa belle, mais se fait sans cesse rabrouer. «C'est le fun de voir un gars dans le couple qui veut s'impliquer. J'ai aimé jouer cette relation inversée, raconte Rémi-Pierre Paquin. C'est un personnage plus féminin que masculin. Je devais composer cela.»

Autre sujet de réjouissance pour Rémi-Pierre Paquin : autant son célèbre personnage dans Les Invincibles est réfractaire à toute idée d'engagement, autant PA rêve de laisser plus qu'une brosse à dents chez Geneviève. Un antagonisme qui amuse le comédien: «Je passe d'un côté à l'autre du spectre.»

Tout comme ses partenaires, Rémi-Pierre Paquin a du tâter du carton-pâte et de la salsa pour les besoins du film. «J'aime pas la musique latine. La musique (signée Benoît Charest, NDLR) est bonne dans le film, mais moi, c'est pas vraiment mon band», précise cet amateur de rock et de country. En attendant de reparaître au cinéma, Rémi-Pierre Paquin reprendra du service à la télévision, pour Rumeurs, et aussi Nos étés, où il tient un rôle dramatique.

Béatrice Picard: Aline, une jeune femme d'un certain âge

Béatrice Picard, bientôt 80 printemps, se voit offrir, avec Ma tante Aline, son premier «premier rôle» au cinéma. Pour son plus grand plaisir : «Je trouvais ce personnage extraordinaire. C'est un hommage aux personnes qui prennent leur vie en main. C'est une jolie histoire», dit-elle.

Si elle n'a pas l'excentricité vestimentaire de son personnage, Béatrice Picard en a au moins la vitalité. Volubile et charmante, la comédienne évoque ses projets de théâtre et son agenda rempli pour les prochains mois. Elle en convient : «Il y a un peu de moi dans ce personnage. Des fois, mes rêves aussi deviennent réalité.»

Jeune fille, Béatrice Picard était friande de comédies musicales, même si, elle ne le cache pas, elle «n'a jamais su danser ou chanter». Elle s'est pourtant donnée avec joie aux danses (sociales et hip-hop) et chansons interprétées par son personnage. «Dans le fond, Aline ne chante et ne danse pas parfaitement. Mais elle le fait avec coeur », estime Béatrice.

Ce qu'il faut retenir du film? «Il nous apprend que l'âge importe peu. Ce qu'il faut, c'est garder son coeur, ne pas se replier sur soi-même. Si l'on ne veut pas être mis au rancart, il faut prendre sa place, répond Béatrice Picard avec entrain. Sortons de nos carcans ! Ayons de la fantaisie, avec une petite histoire!»