Claude Fournier a l'habitude de travailler sur 1000 trucs à la fois. Mais actuellement, il concentre toutes ses énergies sur le projet de numérisation du cinéma québécois.

Claude Fournier n'a pas hésité longtemps lorsque Pierre-Karl Péladeau, pdg de Quebecor, lui a offert, à lui et à sa conjointe, la productrice et historienne Marie-Josée Raymond, de piloter l'ambitieux projet, baptisé Eléphant: mémoire du cinéma québécois. Car numériser quelque 800 longs métrages et les rendre accessibles à tous, ou presque, c'est ambitieux.

«C'est ambitieux, c'est vrai, ça va prendre beaucoup d'énergie, ça va coûter cher, mais c'est un projet tout à fait exceptionnel», lance-t-il.

Ce que les gens de Quebecor veulent, concrètement, c'est rendre disponible l'ensemble de l'oeuvre cinématographique québécoise sur la télévision numérique Illico, une de leurs propriétés. Dans la même veine, ils veulent créer une base de données, via leur site Internet Canoë, qui permettra aux cinéphiles d'avoir accès à toutes les informations sur notre cinéma. Eventuellement, les internautes pourront aussi télécharger des films.

On parle ici d'un investissement de 2,5 millions $ sur une période de cinq ans.

«On travaille fort, on travaille très fort, et les gens devraient pouvoir visionner les 20 ou 25 premiers films au début de 2008, reprend Claude Fournier. La base de données sur Internet devrait aussi être accessible au début de la prochaine année.»

Mais avant d'en arriver là, il y beaucoup de dépoussiérage à faire. Beaucoup, voire énormément.

«Juste faire le recensement de tous ces films est un travail de moine, dit encore Claude Fournier. Puis, il y la question des droits d'auteur à vérifier pour chacune des productions. Je vous le dis, c'est un travail colossal. Mais diable que ça en vaut la peine!»

Selon le cinéaste, qui verra lui-même près d'une vingtaine de ses films (dont les classiques Deux femmes en or et Bonheur d'occasion) être numérisés, les Québécois méritent de découvrir et de redécouvrir «l'une de leurs plus belles richesses».

«Il s'est fait d'excellents films chez nous mais, malheureusement, la majorité sont totalement inaccessibles. Juste pour voir, essayez de mettre la main sur Aurore, la version originale. Il faut faire quelque chose, il faut récupérer notre patrimoine!»

On sent Claude Fournier littéralement emballé par le projet. L'homme est convaincu, le ton est convaincant.

«C'est un cadeau à faire à ceux qui sont trop jeunes pour avoir vu tous ces films produits il y a 20 ans, 30 ans ou 40 ans et c'est un cadeau à faire aux plus vieux, ceux qui aimeraient redécouvrir ces films qu'ils ont tant aimés.»

Et qu'importe, ajoutera Claude Fournier, ceux qui critiquent Quebecor. «Quebecor ne tirera aucun profit de l'entreprise, car il s'agit ici d'une structure indépendante, sans but lucratif. Il faut arrêter, à un moment donné, de chercher des puces où il n'y en a pas.»

Et puisqu'on se doute que Claude Fournier aura quand même un plaisir fou à se retremper dans les archives de notre cinéma, on lui a demandé quel était son film québécois préféré. Non, il ne s'est pas gratté la tête longtemps.

«Probablement Les bons débarras, qui mettait en vedette Charlotte Laurier. Le scénario de Réjean Ducharme est très fort et le jeu de la petite Charlotte est sublime.»