«Rapid Lake, c'est un trou où il est plus facile de trouver de la cocaïne que de la farine.» L'auteur-compositeur-interprète Richard Desjardins, pamphlétaire reconnu depuis L'erreur boréale sur la mise à mal de la forêt québécoise, est allé à Rapid Lake, comme il est allé à Maniwaki, à Nédélec et à Kitcisakik, le temps d'un documentaire sur les Algonquins.

Dans le cadre du festival Présence autochtone, il a présenté hier quelques scènes de ce documentaire sur lequel il planche toujours.

Le but du film: dire, oui, qu'il y a beaucoup de cocaïne, dans ce trou qu'est Rapid Lake, dire toute la pauvreté et la violence dans les réserves, mais surtout, surtout expliquer comment les Algonquins comme tant d'autres autochtones au pays en sont rendus là. Tout y est passé en revue: la dépossession du territoire, les terres inondées, les famines, l'infantilisation des Indiens que l'on a fait pupilles de l'État, ces enfants envoyés dès l'âge de 6 ans dans des pensionnats catholiques en vue d'en faire de parfaits petits Blancs...

Très peu de Canadiens savent cela. Parce que pour l'immense majorité des gens, fait observer Desjardins, les Indiens, ce sont des autostoppeurs, «des fantômes qui, des fois, veulent embarquer dans ton char. Mais on n'arrête pas, on a toujours trop de bagages. Toujours».

Ce que les Canadiens savent, c'est que les Indiens, ça ne paie pas d'impôts, ça se promène en quatre roues et ça n'a pas besoin de payer de permis de chasse. Ils ont tout ça gratis, comme l'explique à l'écran un couple de personnes âgées. Et là, la question à 1000$, posée par Richard Desjardins à ce même couple: aimeriez-vous ça, changer de vie avec la leur? La réponse ne tarde pas: «Oh non, jamais!»

Si tous les Indiens du Canada formaient un pays, ils se retrouveraient, en ce qui concerne la pauvreté, en 63e position, dit Desjardins. Parmi ces pays du tiers-monde. Leur espérance de vie est de sept ans plus courte que la moyenne canadienne.

Comme si la tutelle d'Ottawa et l'indifférence de Québec ne suffisaient pas, les Indiens doivent au surplus, explique Desjardins, composer avec des conseils de bande - pour hommes seulement, ou à peu près - au sens démocratique très, très relatif.

Y a-t-il dans tout cela l'ombre d'un espoir? Richard Desjardins évoque dans son documentaire - cosigné avec son compère de L'erreur boréale, Robert Mondry - ces nombreux partys sans alcool auxquels il a été invité. Et, aussi, Maniwaki, cette communauté qui s'en sortirait mieux que les autres.

Vraiment? Dans la discussion qui a suivi la projection, une dame, dans la salle, s'est levée pour dire que non, à Maniwaki, ça n'est pas terrible non plus. Il y a de l'uranium dans l'eau.

Le film n'est pas encore terminé, ses lieux de diffusion pas encore décidés. Bref, il n'est pas trop tard. Richard Desjardins a sorti son crayon, pris note de cette histoire d'uranium dans l'eau de Maniwaki.

Pour l'histoire qui finit bien, il faudra repasser...