Sur l'échelle de Richter des mondanités culturelles parisiennes, disons que l'avant-première de L'âge des ténèbres, hier soir au cinéma Gaumont des Champs-Élysées, se situait à un niveau fort brillant.

Ça ne garantit rien pour la carrière du film, mais c'est en tout cas un signe de la très grande réputation de Denys Arcand en France. Et de l'influence de Studio Canal, qui a fait le pari de distribuer le film dans plus de 300 salles, mercredi en huit. Une combinaison impressionnante, qu'on réserve au rayon des films d'auteur, à des valeurs sûres comme Agnès Jaoui ou Claude Chabrol.

Vedettes

Fin de la projection, vers 22 h 30. Applaudissements, sinon délirants, du moins très chaleureux. On aperçoit le compositeur Michel Legrand. Des vedettes de la télé. Bernard Pivot, qui a accepté pour Arcand de jouer brièvement son propre rôle, s'est déplacé pour la circonstance: «Je suis un grand fan d'Arcand, dit-il. J'ai même Le déclin et Les invasions dans ma vidéothèque. J'ai beaucoup aimé celui-ci. C'est vrai qu'il est plus que noir, c'est terrible! Pas désespéré: encore pire! Mais c'est très réussi.»

Je bute sur Antoine de Caunes, acteur, réalisateur, et père d'Emma de Caunes: «J'ai adoré les deux films précédents. Quant à celui-ci, je le trouve formidable. Mais de toute façon, comment pourrais-je être objectif?» dit-il en serrant sa chère fille contre lui.

Lambert Wilson, lui, n'a pas vraiment d'intérêt dans l'entreprise, mais il est venu tout de même, en hommage à Denys Arcand: «D'une certaine manière, c'est le film que je préfère. Il y a une réflexion saisissante sur notre époque. Bon, c'est vrai que les spectateurs n'auront pas le même sentiment d'empathie pour le héros, comme dans Les invasions. Cela dit, ce comédien est remarquable.»

Il y aura bien ici et là quelques réserves chuchotées entre deux coupes de champagne. Mais ce n'est pas le soir d'une avant-première qu'on va se lancer dans les critiques de fond ni dans les pronostics.

Les nombreux professionnels présents - producteurs ou distributeurs - lèvent les yeux au ciel si vous leur demandez leurs prévisions. Arcand lui-même se déclare philosophe: «On ne peut absolument jamais savoir comment ça va marcher. À Hollywood, il y a les champions mondiaux de la prévision et du marketing: ils se trompent neuf fois sur dix...»

Lui qui n'apprécie pas follement ce genre d'exercice, s'apprêtait à se livrer à deux jours de promotion bien tassés, d'une radio à un studio de télé, en passant par quelques interviews et séances photo pour les journaux. Marc Labrèche, de son côté, se livre au même exercice pendant deux jours également.

En attendant le verdict sans appel du mercredi 26 en fin d'après-midi: on aura à ce moment-là les chiffres de fréquentation de la séance de 14 h à Paris. La carrière de L'âge des ténèbres sera alors scellée.