La première du film Le ring, hier, a lancé les festivités du 40e anniversaire du cinéma Parallèle, qui fait aujourd'hui partie d'Ex-Centris. La grande famille du cinéma, réunie pour l'occasion, a pu constater que la relève est en grande forme, portée notamment par le talent de la réalisatrice Anaïs Barbeau-Lavalette et de la scénariste Renée Beaulieu, que nous avons rencontrées.

Anaïs Barbeau-Lavalette et Renée Beaulieu se sont croisées dans les couloirs de l'Institut national de l'image et du son (INIS). La première y a étudié en réalisation. La seconde, en scénarisation.

Quand l'INIS a lancé l'invitation à ses diplômés de les encadrer dans la production d'un long métrage destiné au grand écran, les deux jeunes femmes se sont revues. Il y avait des atomes crochus entre elles.

Professionnellement, des affinités au niveau de la création. Humainement, une certaine vision de l'enfance. Un goût de l'approcher. D'en explorer la vulnérabilité dans un monde pensé par et pour les adultes. Elles sont ainsi devenues les mères porteuses du Ring, qui prend l'affiche le 26 octobre.

On y suit Jessy (Maxime Desjardins-Tremblay), 12 ans, qui grandit dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. La famille est nombreuse. Le milieu, défavorisé. La vie, grise. Pour lui, le rayon de soleil frappe le vendredi soir. Quand, dans le sous-sol de l'église, les lutteurs locaux montent sur le ring. S'affrontent. Jessy crie, s'éclate à les voir. Ils sont ses héros. Jusqu'au jour où tout éclate. La famille d'abord. Le reste suit. Ça cogne solide. Mais Jessy aussi, est solide.

C'est l'histoire que raconte Le ring. Avec des mots. Mais pas qu'avec des mots. «J'aime les mots, l'écriture, explique Renée Beaulieu, mais je préfère que les choses passent par les yeux. Parce que quand les yeux parlent, il n'y a plus rien à expliquer, ils disent tout.»

Son scénario n'était donc pas que dialogues. Les didascalies y abondaient. Et elle a été présente dans tout le processus de création, même après avoir posé les derniers mots sur la page. Tout comme ses collègues de l'INIS et Anaïs Barbeau-Lavalette ont été présents durant toutes les étapes de l'écriture.

Les enfants d'Hochelaga-Maisonneuve

D'autant plus que les enfants d'Hochelaga-Maisonneuve, la réalisatrice de Si j'avais un chapeau connaît. Elle fait du bénévolat auprès d'eux depuis sept ans. Et elle est allée au devant d'autres enfants défavorisés, ailleurs sur la planète. «Je suis bien avec les enfants, le courant passe, je me sens moi-même.»

Elle a découvert cela quand, à la fin de ses études collégiales, elle est allée passer une année au Honduras. Elle y a tourné Les petits princes des bidonvilles. A découvert son désir profond d'être utile. Qui, dit-elle, lui vient de sa famille. De sa mère, la cinéaste Manon Barbeau. De son père, le directeur photo Philippe Lavalette - qui a travaillé sur Le ring.

«Ils m'ont poussée dans le monde assez tôt, j'ai voyagé très jeune, j'ai vu des choses choquantes. D'où ce désir que j'ai d'essayer, dans la mesure du possible, de changer les choses.» Pour cela, un outil. La caméra. «C'est ma manière à moi de participer au monde.» C'est pour cela qu'elle aime, tant, le documentaire. Au point où elle n'avait pas, jusqu'ici, éprouvé le besoin de la fiction.

Jusqu'à l'invitation de l'INIS. Et la possibilité d'explorer un sujet qui lui tient à coeur par l'intermédiaire d'une manière de faire qui irait toucher davantage de gens. Le pouvoir de la fiction par rapport au documentaire.

«Mais je ne me serais pas senti le droit de raconter une histoire telle que celle du Ring si elle ne m'habitait pas profondément, si je n'étais pas complètement convaincue et proche de la réalité de ces enfants-là. Je n'aurais pas pris le droit de prendre la parole pour eux.»

Mais elle connaît le sujet. L'a fait connaître à Renée Beaulieu, qu'elle a «initiée» au quartier, entraînée dans les matchs de lutte. À qui elle a présenté «des» Jessy. Des enfants qui résistent. «L'idée de résilience est celle que nous voulions mettre de l'avant», souligne la scénariste. «Jessy est un résilient, poursuit Anaïs Barbeau-Lavalette. Même si tout s'écroule autour de lui, il a sa force intérieure et il va s'en sortir malgré le manque de modèles.»

Pour trouver cet enfant fort, des auditions nombreuses. De professionnels. Mais également dans les écoles. Dans les parcs de skate-board. Pour finalement, parmi les 150 candidats, trouver Maxime Desjardins-Tremblay. «Je voulais un petit baveux qui ait accès à ses émotions», résume la réalisatrice. Qui a répété, beaucoup, avec son jeune poulain. Dans les lieux de tournage. Avant le tournage. Et pendant le tournage.

«On se créait des petites bulles avant chaque prise. On se concentrait. Je lui rappelais où était rendu Jessy. Il était à l'écoute. Vraiment. Je voyais l'information descendre de sa tête à son coeur. Là, on était prêts à tourner.» Et à déambuler sur cette mince ligne entre le misérabilisme et le sensationnalisme. Là était le piège du Ring. «La seule façon de ne pas tomber dedans était de se coller à Jessy. À sa peau. À son souffle.» Sur le ring qu'est sa vie.