Un coin du ciel: le titre fait penser à un poème, mais c'est un documentaire, son documentaire, que Karina Goma a déposé en mémoire à la commission Bouchard-Taylor. Présenté aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal, Un coin du ciel propose un regard humain sur le «nous» des autres.

Un coin du ciel parle d'un coin qui n'a rien du paradis, le quartier Parc-Extension, à Montréal. À deux pas d'Outremont, du Mile End, de Mont-Royal ou de la Petite Italie, Parc-Extension peut se vanter d'être le quartier le plus multiethnique du pays, mais aussi le plus pauvre.

Pourtant, ce n'est pas d'argent qu'il est question dans Un coin du ciel, mais de la vie de ces nouveaux Québécois, habitants du quartier, habitués du CLSC. Devenus aussi célèbres que les vitres givrées du YMCA, les groupes prénataux «pour femmes» du même CLSC avaient attisé les passions il y a quelque temps.

«Quand la controverse a éclaté, j'étais là! Pour moi, c'était une réussite totale, ces groupes-là. C'était une nouvelle manière de rejoindre des femmes de groupes vulnérables, et je pense que ça a été sorti de son contexte à une époque où on traquait les accommodements déraisonnables et où Mario Dumont a fait du capital politique», se souvient la jeune femme.

Il faut dire que Karina Goma a vécu en immersion (ou presque) au sein du CLSC pendant deux ans. Avec l'aide de deux de ses employées, Hélène et Tassia, la réalisatrice a fait un bout de chemin avec une future mère, une grand-mère solitaire ou encore, une famille atypique d'Arméniens, rescapés du génocide.

Autant de cultures, autant de besoins, et, montre Un coin du ciel, autant d'accommodements, jamais déraisonnables. «Il y a là des gens qui trouvent des solutions, qui s'écoutent et se comprennent», juge la réalisatrice. Avant de glisser: «Parc-Extension, c'est un peu le Québec de demain.»

Karina Goma les aime, ces néo-Québécois, arrivés ici après un «parcours du combattant». Elle les aime, comme les petits vieux adeptes des cours de justice de son premier film, Les justes. Elle les aime, comme les pros de la tribune téléphonique, qu'elle filme en ce moment pour son prochain documentaire.

Son péché mignon, dit-elle, ce sont «les êtres humains, rarement les thématiques». Si elle fait du documentaire, c'est pour les rencontrer, ces autres qui ne lui ressemblent pas. «J'ai vite compris que la caméra était un prétexte pour rencontrer les autres», se souvient celle qui, en 1990, était la plus jeune participante de La course destination monde.

De retour sur la terre ferme après plusieurs mois de voyage, Karina Goma ne s'est pas tournée vers une école de cinéma, mais vers les sciences politiques. Viendra, plus tard, la langue arabe, étudiée à McGill, mise en pratique en Égypte, au Caire, dans sa famille paternelle.

La Montréalaise a le métissage tatoué sur le coeur. Née d'une mère québécoise et catholique, d'un père égyptien et musulman, Karina Goma joue elle aussi avec les dualités. Athée, elle s'intéresse au religieux. Documentariste, elle est aussi chroniqueuse beauté.

«Ce sont deux mondes qui ne se rencontrent pas souvent. J'ai mis un peu de temps à accepter ça. Le monde de la beauté est souvent associé à la légèreté. Mais ça me fait beaucoup de bien de passer de l'un à l'autre», raconte Karina Goma. Et de sourire: «On est tous pétris de contradictions, et je commence à les assumer. Je vois de moi dans tout ce que je fais.»