Le spectre d'une loi qui obligerait le doublage des films au Québec a permis, jeudi, de rallier les producteurs de films américains et les acteurs québécois autour d'un projet de négociations qui pourrait éviter la voie de la coercition.

Au terme de deux jours d'audiences de la commission parlementaire de la culture, l'Union des artistes et la Canadian Motion Picture Association (CMPA), filiale canadienne des majors américains, semblaient s'entendre sur la nécessité d'entreprendre des discussions au sujet de l'impact du marché du DVD et des nouvelles technologies de distribution sur l'industrie du doublage.

L'avocat représentant la CMPA, Jacques Laurent, a affirmé qu'un forum du Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ) pourrait servir de lieu d'échanges réunissant les divers intervenants du secteur.

«Tous ensemble, on va trouver une solution», a-t-il déclaré aux membres de la commission.

Plus tôt, le président de l'Union des artistes (UDA), Raymond Legault, avait affirmé qu'il était disposé à tenter de convaincre certains de ses membres qu'une entente négociée pourrait éviter la nécessité de légiférer.

«Ça peut être fait dans une entente, a déclaré M. Legault. Est-ce qu'on est à l'ère où il faut que tout soit légiféré? Ou est-ce qu'on est à l'ère où les gens, même dans une logique d'affaires, sont capables de comprendre qu'il y a des intérêts autres qu'uniquement la logique d'affaires? C'est à ça que le groupe de travail devrait servir.»

Le porte-parole adéquiste du dossier de la culture, François Benjamin, a quant à lui affirmé que le dépôt de son projet de loi, auquel plusieurs des députés de la commission ont souvent fait référence en parlant du «spectre», avait servi de bougie d'allumage.

«Il y a une volonté commune de faire avancer les choses», a-t-il relevé lors de la conclusion des travaux des parlementaires.

Il a toutefois affirmé qu'il continuerait de travailler sur son projet de législation obligeant le doublage au Québec, se disant ouvert à y ajouter des éléments.

Le député péquiste Pierre Curzi a lui aussi indiqué qu'il fallait conserver une attitude prudente et ne rien exclure, dont la possibilité d'une loi.

M. Curzi a affirmé que la commission avait permis de constater que le doublage était moins répandu du côté des DVD et qu'il était nécessaire d'examiner l'impact de la distribution de films par Internet sur l'industrie québécoise de l'adaptation en version française.

Au cours des prochains jours, les parlementaires de la commission de la culture vont dégager de grandes orientations et devraient déposer un rapport cet automne.

Outre les représentants des producteurs de films américains et des acteurs, l'Association nationale des doubleurs professionnels, l'Association des propriétaires de cinémas et de cinéparcs du Québec, le Conservatoire d'art dramatique de Montréal, Alliance Vivafilm et le BCTQ ont été entendus jeudi.

À part l'UDA, tous se sont dits contre l'imposition d'une loi obligeant le doublage des films au Québec, où ont à tout le moins affirmé qu'elle ne contribuerait pas à faire augmenter le nombre de films adaptés en français ici.

La possibilité d'accroître les incitatifs fiscaux ou tarifaires est aussi un des aspects qui s'est dégagé des discussions.

Actuellement, les maisons de doublage bénéficient d'un crédit de 30 pour cent pour les dépenses admissibles.

Les distributeurs bénéficient aussi de tarifs moins élevés pour mettre en marché les DVD de films qui ont été traduits au Québec.

Au cours des 10 dernières années, l'industrie du doublage a connu une croissance phénoménale, ses revenus ayant doublé, notamment depuis l'instauration du crédit d'impôt.

Ces dernières années, cette progression a ralenti en ce qui concerne le doublage de films en salle.

Actuellement, environ 80 pour cent des films distribués en salle sont doublés au Québec.

Parallèlement, le marché a commencé à changer et certains films sont maintenant disponibles directement en DVD et, à l'avenir, pourraient de plus en plus l'être par téléchargement.

En avril dernier, la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, a mis sur pied un observatoire réunissant divers intervenants du secteur du doublage.

Selon l'UDA et la CMPA, cette instance devrait leur permettre de discuter.

La commission de la culture sur le doublage relève d'une initiative conjointe des deux partis d'opposition, le gouvernement s'opposant à toute mesure coercitive dans ce dossier.

Parce qu'il n'est pas partie prenante, le gouvernement ne sera pas tenu d'appliquer les recommandations du rapport.