«C'est une projection comme je n'en ai jamais eu dans ma vie!» Au lendemain de la présentation de C'est pas moi, je le jure!, au Zoo Palast, à la Berlinale, Philippe Falardeau était encore dans l'effervescence du moment.

«La salle était pleine, environ 1000 personnes, dont près de la moitié étaient des enfants de 8 à 12 ans. Je pensais rester seulement pour les 10 premières minutes de projection - c'est ce que je fais toujours - mais je n'ai finalement pas quitté la salle de toute la séance. J'ai eu l'impression de redécouvrir mon film à travers les yeux de ce public-là. Et je me suis aperçu que les enfants s'identifiaient beaucoup aux personnages du film, à leur désobéissance, à leur petite délinquance.»

Pourtant, le réalisateur avoue avoir été plutôt sceptique le jour où on lui a appris que son long métrage était retenu au Festival de Berlin dans la section Génération. Les productions sélectionnées dans cette section parallèle, qui comporte aussi un volet compétitif, sont en effet destinées à un jeune public.

«En arrivant ici, je me suis aperçu que ce sont quand même des films qui abordent parfois des thèmes très difficiles. Et le mien cadrait très bien là-dedans. Évidemment, j'avais sursauté en apprenant la nouvelle parce que dans mon esprit, C'est pas moi je le jure! est un film d'abord et avant tout destiné aux adultes. Cela faisait partie de notre argument de vente au Québec en tout cas. À la lumière de ce qui s'est passé ici, on aurait peut-être dû emprunter une autre stratégie chez nous.»

Le cinéaste a en tout cas été sensible à la qualité d'écoute qu'ont eue les enfants pendant la projection de son film, d'autant plus que celui-ci était projeté dans des conditions très particulières.

«J'avais une grande appréhension, dit-il. Non seulement à cause de la présence de tous ces enfants, mais aussi parce que les films étrangers présentés dans cette section doivent être accessibles dans une forme qui n'est pas habituelle. Au lieu de sous-titres, ou d'un système de traduction qu'on entend dans des écouteurs, ici on baisse la bande sonore originale pour faire place à une actrice traductrice qui joue tous les rôles en allemand! Je me suis empressé d'aller remercier la comédienne après la projection parce qu'elle a fait un travail phénoménal, tant sur le rythme que dans la nuance. Le public était hyper attentif.»

Une erreur stratégique

Du coup, cette projection à la Berlinale fut riche d'enseignements pour l'auteur cinéaste.

«J'ai eu une leçon. Je crois qu'en nous concentrant uniquement sur le public adulte lors de la sortie au Québec, nous nous sommes trompés. Et là où j'ai la certitude que nous nous sommes vraiment trompés, c'est par rapport au public adolescent. Au fur et à mesure que la carrière du film avançait au Québec, on s'est aperçus que les ados étaient très intéressés aussi, qu'on les avait avec nous. Ils étaient de plus en plus nombreux sur notre page Facebook. J'avoue que je ne l'avais pas vue venir du tout celle-là!»

C'est pas moi je le jure! ayant attiré au Québec moins de spectateurs que Congorama, son film précédent, l'auteur cinéaste semble aujourd'hui découvrir le plein potentiel de son film.

«Je croyais sincèrement que mon film s'adressait uniquement aux adultes et c'était une erreur, reconnaît-il. Ce n'est pas grave, on s'en remettra, mais c'est quand même un peu plate. Quand on mobilise autant de ressources pour faire la promotion d'un film et qu'il n'atteint pas son plein potentiel, c'est décevant. Nous aurions dû cibler davantage toutes les générations.»

Falardeau s'est dit d'autant plus ému de son passage à la Berlinale que la séance de questions réponses après la projection s'est déroulée entre les jeunes spectateurs et deux des enfants-vedettes du film, Antoine L'Écuyer et Catherine Faucher, qui ont fait le voyage en Allemagne en compagnie de l'auteur cinéaste et de Daniel Brière.

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Les frais d'hébergement sont payés par le Festival de Berlin.