On s'y attendait un peu, à voir l'impressionnant battage médiatique précédant la sortie du film. Mais, s'agissant d'une «petite» oeuvre cinématographique, même la critique la plus dithyrambique ne garantit pas le succès.

Chez MK2, le distributeur des Amours imaginaires, on attendait donc en se rongeant les ongles les chiffres de la fatidique première séance de 14h dans les salles parisiennes. Vers 16h, ce fut donc la divine surprise: le film du «petit prodige» Xavier Dolan opère un excellent démarrage qui, «si la tendance se maintient» comme dirait Bernard Derome un soir d'élection, devrait sans problème lui assurer de passer la barre des 200 000 spectateurs. Sur 14 salles dans Paris intra-muros, Les amours imaginaires a attiré 715 spectateurs pour la première séance de l'après-midi.

Avec 51 spectateurs par séance, c'est le second meilleur résultat parmi les sept films sortis ce mercredi. Même s'il est démoli par l'ensemble de la critique, Wall Street 2 reste une grosse machine commerciale et a fait 77 spectateurs par copie pour cette même séance. Avec son film à 600 000 $, Dolan bat largement Un homme qui crie, un film africain important, qui a obtenu le prix du jury au festival de Cannes, ainsi que Sans queue ni tête, un film français de Jeanne Labrune avec Isabelle Huppert.

Le verdict de cette première séance parisienne est jugé sans appel par le milieu professionnel. Surtout si les résultats sont mauvais. Quand on est dans l'entre-deux, l'évolution est un peu plus incertaine: même dans le pire des cas, le film ne peut plus faire moins de 100 000 ou 150 000 entrées, alors que J'ai tué ma mère avait plafonné en dessous des 50 000. Le succès minimum est donc totalement garanti.

La suite des événements relève du suspense. Chez MK2, on attendait fébrilement les «autres» résultats: ceux de l'extérieur de Paris, c'est-à-dire les grandes villes de province. Un film classé «art et essai» a toujours plus de succès à Paris qu'en région en comparaison d'une production commerciale. Mais dans le cas de Dolan, la vague médiatique s'est transformée en un tel tsunami que dans les grandes villes universitaires, comme Lyon, Marseille, ou Toulouse, nul ne peut ignorer l'existence du «jeune prodige canadien».

Les Inrockuptibles lui avaient consacré quatre pages la semaine dernière: ils en ont rajouté une entière. Dans Le Monde, il a eu droit hier à un traitement exceptionnel: seul à avoir trois étoiles, il a aussi une critique enthousiaste et une interview totalisant trois quarts de pages. Libération lui consacre trois pages. Le critique de L'Express lui consacre toute sa chronique («Graine de star»). Le Figaro leur emboîte le pas. Seul le Canard enchaîné se permet quelques réserves sur les «défauts de jeunesse» du scénario.

L'essentiel est donc assuré. Reste à savoir si le bouche à oreille provoquera le petit miracle espéré. En juin 2006, C.R.A.Z.Y. était sorti dans environ 90 salles. Sur 15 salles parisiennes, il avait totalisé 504 entrées en première séance. Il s'était redressé en fin de semaine et avait finalement atteint la barre inespérée des 600 000 entrées.

Les amours imaginaires, sur 14 salles, a nettement mieux démarré, avec 715 spectateurs. Il est distribué dans 95 salles pour l'instant. Et on n'a plus de mots pour qualifier l'enthousiasme des médias.

Donc, tous les rêves sont permis.