On sentait depuis une petite semaine que Starbuck était porté par une rumeur très favorable - ce qu'on appelle désormais «un bon buzz». Malgré une absence totale de vedette au générique - Patrick Huard et Ken Scott sont de parfaits inconnus en France -, le film avait deux solides arguments de vente.

> Le blogue de Marc-André Lussier

Le premier, qui épate toujours à Paris: les mythiques studios de Spielberg avaient commandé un remake à Ken Scott en personne, ce qui est l'équivalent de la consécration suprême. Le second: la question de la fécondation in vitro, qui n'avait jamais constitué la matière d'un film de cinéma, se révèle manifestement un sujet en or pour les grands médias français.

Starbuck, simple comédie «populaire», avait d'abord connu un succès remarqué et inattendu au festival d'humour de l'Alpe d'Huez, en début d'année. De passage à Paris il y a une quinzaine de jours, Ken Scott enregistrait une interview pour diffusion au journal télévisé du 23 juin sur France 2, deux autres sur France Inter et France Culture (radio). Le soir de l'avant-première parisienne, aux Halles, on trouvait parmi les invités Michel Hazanavicius, réalisateur de The Artist, et Éric Toledano, celui des Intouchables. Il se passait quelque chose, indéniablement. Suffisamment pour que le distributeur Diaphana, qui s'est fait une réputation dans le film d'auteur, mise sur une très grosse sortie dans 190 salles (en 2004, on comptait 124 copies pour La grande séduction).

Cette bonne impression diffuse s'est confirmée hier après-midi avec la sortie en salles et la parution quasi simultanée des critiques. Sur 13 salles parisiennes, Starbuck avait enregistré 1205 entrées à l'issue de la séance de 14h, soit une moyenne de 93 spectateurs par copie, ou 40 par séance. Un résultat qui se compare à celui de La grande séduction, qui avait fait à l'époque 61 spectateurs par copie, mais avec moins de séances, et qui avait finalement triomphé avec près de 600 000 spectateurs.

«Nous sommes très satisfaits de ces premiers résultats, dit Olivier Geslin, de Diaphana. Starbuck fait presque jeu égal avec le nouveau film de Ken Loach, primé à Cannes. Et arrive pas très loin derrière Un bonheur n'arrive jamais seul, avec Sophie Marceau et Gad Elmaleh. Avec un peu de chance, nous tiendrons tout l'été en faisant tourner les 190 copies à travers la France.»

Côté critiques, le bilan est plus que positif en ce qui concerne l'enthousiasme des médias et la place qu'ils accordent au film. De France-Soir à 20 minutes (gratuit), en passant par Télé Poche ou plusieurs sites internet, la couverture est flatteuse et abondante. Ici et là, on parle de «film-événement».

Bémols

Un bémol: sans surprise, le film est fort mal accueilli par la presse «intello». Le Monde parle d'un «sentimentalisme californien qui finit dans les larmoiements d'autant plus écoeurants qu'ils baignent un machisme à toute épreuve». Libération titre sur «une comédie pataude et faussement trash». Même le Figaro exécute «cette comédie sirupeuse et indigeste qui dégouline de bons sentiments».

Mais cette sévérité n'est pas du tout unanime au sein de la presse «sérieuse». Télérama, hebdo culturel de référence, parle d'une «idée irrésistible qui tient sa promesse de fantaisie tout au long de ce conte familial et tendre». Le Figaro Magazine: «c'est la preuve qu'une comédie peut être grave, drôle et intelligente». Quant au Soir (de Bruxelles), il conclut: «Voici ni plus ni moins un feel good movie goûteux comme du sirop d'érable».

Quant au Film français, le magazine professionnel de référence, il a consacré deux longs papiers à la sortie de Starbuck, et lance cette hypothèse: «Et si le film devenait la comédie de l'été?»

Entre le joli succès d'estime, qui paraît assuré, et un triomphe à la C.R.A.Z.Y., la carrière de cette comédie «phénomène» sur les «papas-éprouvette» devrait se jouer au cours de la fin de semaine prochaine.