Dans la brume, récompensé récemment à Fantasia, constitue une aventure particulière. Dans ce film catastrophe, une histoire de survie à Paris, l'acteur français Romain Duris a dû relever un défi d'acteur inhabituel pendant que le cinéaste québécois Daniel Roby s'est affairé à trouver des astuces de mise en scène pour être à la hauteur du genre. Pari réussi.

Quand les producteurs de Dans la brume ont évoqué le nom de Daniel Roby pour assurer la réalisation du film, Romain Duris a eu du mal à saisir de qui il s'agissait, même si l'enthousiasme de ceux qui lui parlaient du cinéaste québécois était communicatif.

« J'ai demandé à voir ses films, raconte l'acteur lors d'un entretien téléphonique accordé à La Presse. Ça m'a tout de suite rassuré. J'ai trouvé que Daniel avait un bon sens de la mise en scène, qu'il y avait dans ses films une belle lumière, un bon rythme, une bonne dynamique. J'ai aussi trouvé que sa personnalité de cinéaste collait au scénario qu'on me proposait. Le tournage s'est ensuite très bien déroulé. Daniel est très méticuleux, très exigeant, très concentré. Et ça, ça me plaît. »

Pas d'évidence

Attiré à l'idée de jouer dans un film de genre, Romain Duris n'a toutefois pas souvent eu l'occasion de lire des scénarios de cette nature. Aussi était-il bien conscient de la nature plutôt particulière de ce projet.

« Ces films ne sont pas évidents à monter en France, même si, paradoxalement, on sait quand même très bien les faire, observe-t-il. Nous avons de bons techniciens et d'excellents ingénieurs d'effets spéciaux. Je trouve dommage que les studios français ne profitent pas davantage de cette expertise, car nous avons tout ce qu'il faut. C'est sans doute une question de moyens. Et sûrement une question de scénarios, aussi. »

Reconnu pour sa polyvalence, aussi à l'aise dans le drame (De battre mon coeur s'est arrêté, La confession) que dans la comédie (L'auberge espagnole, L'arnacoeur), Romain Duris a dû cette fois emprunter une autre approche du jeu.

« Par définition, le jeu reste le même, mais les enjeux sont différents. Dans ce film, il ne fallait surtout pas louper l'âme et l'aspect humain de l'histoire, même au milieu de toute cette technique. Les sentiments et les sensations devaient rester bien concrets, bien réels. »

- Romain Duris

« Cela dit, l'aspect psychologique est peut-être moins présent que dans un drame traditionnel, parce que là, on est dans l'action, poursuit l'acteur. En fait, la vraie différence, c'est la patience. Ce qui complique les choses dans ce genre de tournage, c'est le fait d'être souvent ralenti par la présence des effets à régler, la fumée, la brume. C'est une autre dynamique. »

Beaucoup d'écrans  

L'aspect le plus difficile du tournage fut justement d'évoluer dans un studio rempli d'une fumée qui se dissipait et qu'il fallait remplacer souvent.

« Ç'a été très compliqué pour tout le monde, constate-t-il. Les scènes prenaient deux fois, peut-être trois fois plus de temps à tourner que dans un film "normal". Et puis, j'ai souvent dû jouer avec un masque. Le son et l'intensité de la voix n'étant pas les mêmes, il faut trouver le bon dosage, sans hurler non plus. Avec la fumée, le masque et la bulle dans laquelle le personnage de ma fille est isolé, ça fait beaucoup d'écrans à traverser, en fin de compte ! On ne peut pas jouer les yeux dans les yeux ! »

Révélé il y a près de 25 ans grâce au film Le péril jeune de Cédric Klapisch, Romain Duris a toujours fait preuve d'exigence dans ses choix. Les projets plus marginaux l'attirent aussi.

« Il n'y a pas de calcul, dit-il. J'essaie toujours d'aller vers quelque chose de nouveau. C'est par le risque que je me renouvelle et m'ouvre. Ce métier est fragile. Je n'oublie jamais que tout peut s'arrêter demain. Je détesterais me sentir "confortable" et penser que j'occupe une place dans le cinéma français. Ce genre d'idée n'est pas compatible avec ma vision des choses. Je préfère le plus incertain, le plus risqué, la légèreté aussi parfois. L'âge et l'expérience nourrissent bien ce métier, cela dit. J'ai l'impression de me régaler encore plus qu'avant ! »

Dans un film de Maxime Giroux

Aussi à l'affiche de Fleuve noir, un film dans lequel il incarne un professeur sur qui pèsent certains soupçons, Romain Duris est également de la distribution de La grande noirceur. Le nouveau film de Maxime Giroux sera lancé en primeur mondiale au prochain festival de Toronto.

« J'ai adoré Félix et Meira, un film vraiment épatant. Alors, je suis parti comme ça, avec le scénario du film sous le bras, et je suis allé rejoindre le plateau de Maxime. J'ai joué trois jours un méchant qui s'amuse à persécuter le personnage qu'interprète Martin Dubreuil. J'ai trouvé ça très drôle, car je n'avais encore jamais eu l'occasion de jouer la méchanceté comme ça. J'ai voulu aller au maximum ! »



Photo fournie par les Films Séville

Daniel Roby dirigeant Romain Duris sur le plateau de Dans la brume.