Dans les régions du Québec, la cantine est devenue le nouveau parvis d'église.

On s'y rassemble, on y discute, on s'y mêle sans division entre statuts sociaux. On s'y attarde. Et on y revient.

Cela ne signifie pas que la cantine ne risque pas de disparaître. Elle fait face, comme l'église, le bureau de poste, la gare ou l'école, à divers enjeux, que ce soit le vieillissement de la population, l'essoufflement des propriétaires, l'absence de relève ou... les règlements de zonage.

Le cinéaste Nicolas Paquet aborde ces thèmes dans Esprit de cantine, son plus récent documentaire. Sans nier les défis qui attendent les propriétaires de ces bicoques colorées plantées au bord de nos routes, M. Paquet rend un hommage convaincu et sincère à ces lieux qu'il fréquente lui-même depuis des années.

«J'essaie de chercher quelque chose d'authentique, dit le cinéaste en entrevue. J'essaie de magnifier le quotidien pour en rendre la beauté. À ce chapitre, les cantines nous propulsent dans l'anti-design. Ce sont des bâtisses carrées, blanches, en vieux bardeaux de vinyle. Un lieu où l'on a souvent le même menu depuis l'ouverture, il y a 50 ans. Avec mes directeurs photo, on a essayé de voir les éclairs de beauté, les subtilités émergeant de ces lieux.»

L'étincelle est venue à M. Paquet lorsqu'il a travaillé sur son documentaire La règle d'or (2011), consacré aux conséquences pour la population de l'ouverture d'une mine d'or à Malartic (un quartier a été entièrement déménagé).

«Un des personnages de ce film était la propriétaire de la cantine, se souvient-il. Avec le déménagement, elle perdait une grande partie de sa clientèle. Mon équipe et moi avions passé plusieurs heures dans cette cantine et je réalisais à quel point il se passait de belles choses, très simples, autour de nous.»

À partir de là, l'homme s'est mis à sillonner les régions du Québec, rencontrant des dizaines de propriétaires de cantines. Il a choisi de bâtir son film autour des cantines Chez Mimi, à Saint-Alexandre-de-Kamouraska, où il habite, et Le Connaisseur, à Tadoussac.

D'une rive à l'autre du fleuve, les deux histoires se font écho, marquent leurs différences. On va s'asseoir Chez Mimi alors qu'on prend sa commande à l'extérieur au Connaisseur.

Miroir du milieu rural

Le travail de Nicolas Paquet fait penser à celui de Richard Lavoie, documentariste des régions qui, en plus de 50 ans de carrière, a signé plus d'une centaine de films. L'un comme l'autre font oeuvre utile. Ils documentent, à leur façon, l'histoire des régions du Québec.

«Je me reconnais dans ce que M. Lavoie a construit comme démarche pour donner un miroir au milieu rural, répond M. Paquet. Un miroir qui, au-delà des mêmes discours sur la population vieillissante ou la dévitalisation, montre les villages comme des lieux vivants où les gens sont heureux, sont actifs.»

Selon le documentariste, le monde rural perdrait un repère important si ces lieux disparaissaient. Il qualifie la cantine de «lieu de socialisation crucial» où se rassemblent des personnes âgées et beaucoup d'hommes qui, autrement, ne fréquenteraient pas d'endroit aussi rassembleur.

« Lorsque le printemps arrive et que la saison des sucres se termine, on a hâte que la cantine ouvre pour aller chercher une frite, manger une poutine. Parce qu'elles ont été fermées tout l'hiver. La cantine nous rattache au cycle des saisons et fait partie de l'identité rurale. »

Esprit de cantine a pris l'affiche vendredi

Photo André Pichette, La Presse

Le cinéaste Nicolas Paquet signe le documentaire Esprit de cantine.