Martin Provost lui avait offert d'incarner Simone de Beauvoir dans Violette, et après voir vu le film, elle a regretté d'avoir refusé le rôle. Cette fois, Catherine Frot n'a pas voulu rater le rendez-vous avec un cinéaste qui a toujours mis des personnages féminins forts au coeur de son cinéma.

C'était comme un rêve prémonitoire. C'est du moins la façon dont Catherine Frot l'a perçu quand Martin Provost (Séraphine, Violette) est venu la rencontrer pour lui offrir un rôle dans Sage femme.

« Quand on s'est vus, Martin m'a raconté qu'il avait fait la veille un rêve étrange, a confié l'actrice au cours d'un entretien téléphonique accordé à La Presse. Dans son rêve, il m'a vue, penchée sur lui dans ma blouse rose, en train de pratiquer un accouchement, comme si j'étais en train de le mettre au monde. Il m'a ensuite raconté son histoire à la naissance, qu'il a apprise de la bouche de sa mère mourante il y a quelques années à peine. Martin a été sauvé par une sage-femme qu'il n'a jamais vue de sa vie, qui lui donné de son propre sang afin qu'il survive. L'idée du film est née de cet événement, mais il s'agit de la seule partie autobiographique. »

AIMER SANS RETOUR

Au fil de ses recherches, le cinéaste a pu trouver l'identité de celle à qui il doit la vie. Sage femme est d'ailleurs dédié à cette femme, Yvonne André, aujourd'hui disparue. Le personnage de Claire, qu'incarne Catherine Frot, partage sans doute avec elle la même nature. Elle exerce son métier de sage-femme avec dévotion, sans jamais rien attendre en retour. Les petites maternités comme celle où elle travaille à Mantes-la-Jolie sont en péril au profit des « usines à bébés », ces endroits cliniques où la notion de « productivité » l'emporte sur tout le reste.

Déjà fragilisée par l'incertitude créée par la fermeture prochaine de l'endroit où elle pratique des accouchements depuis longtemps, Claire voit débarquer dans sa vie, après 30 ans d'absence, l'ancienne maîtresse de son père. Béatrice (Catherine Deneuve), partie sans laisser d'adresse à l'époque, a toujours mené sa vie à sa guise, sans rendre de comptes à rien ni personne, ni même s'apercevoir à quel point elle pouvait faire du mal à ceux qu'elle laissait derrière. Il se trouve qu'aujourd'hui, à l'heure de la vieillesse et de la maladie, elle n'a plus que Claire vers qui se tourner.

RENCONTRE AU SOMMET

Inutile de dire que la rencontre au sommet des deux Catherine a de quoi faire fantasmer les admirateurs du cinéma français.

« Martin nous a proposé les rôles pratiquement en même temps, souligne Catherine Frot. Il a d'ailleurs écrit le scénario spécifiquement pour nous, ainsi que pour Olivier Gourmet, qui incarne un voisin à qui Claire s'ouvrira peu à peu. »

Photo fournie par MK2 | Mile End

Le personnage interprété par Catherine Frot est inspiré d'une vraie sage-femme qui a sauvé la vie du réalisateur Martin Provost lorsqu'il est né.

Photo fournie par MK2 | Mile End

Pour se préparer à jouer le rôle de Claire, une sage-femme, Catherine Frot a assisté à de véritables accouchements. « Je ne vous cacherai pas avoir appréhendé cette idée au départ », a-t-elle confié.

Formée au théâtre, un art qu'elle pratique toujours avec délectation (elle a joué Oh les beaux jours de Beckett au TNM à Montréal et à La Bordée à Québec il y a deux ans), l'actrice n'avait aucune appréhension à donner la réplique à une icône du cinéma, même si leur approche du jeu était très différente.

« Il ne faut jamais avoir peur de l'acteur qui est en face, car l'échange fait partie de notre travail, explique-t-elle. Ou alors, il faut vraiment que la personne soit méchante et mal intentionnée pour que ça se passe mal. Cela m'est déjà arrivé, avec je ne vous dirai pas qui, surtout au théâtre. Mais avec Catherine, ça a été formidable. Elle est très spontanée, directe, et elle joue plus à l'instinct, toujours dans la vérité de l'instant. Comme elle a un très grand savoir-faire, cela donne un résultat exceptionnel. De mon côté, je réfléchis toujours beaucoup, j'analyse. Dans ce cas-ci, nos natures différentes se sont bien complétées, je crois. »

UNE VRAIE FORMATION

Pour les besoins de la cause, Catherine Frot a dû suivre une formation de sage-femme afin de pouvoir tourner des scènes où l'on assiste à de véritables accouchements.

« Je ne vous cacherai pas avoir appréhendé cette idée au départ, fait-elle remarquer. Participer à de vrais accouchements au profit d'un film, est-ce vraiment utile ? Nous en avons beaucoup discuté au départ, Martin et moi. Je suis d'abord allée voir un accouchement, puis un autre dans une clinique très différente de la première. J'y ai vu une chose très simple, très naturelle, magnifique. Je n'ai pas été gênée ni choquée, au contraire. Cette beauté-là, très forte, m'a touchée. J'ai surtout appris les gestes, car tout passe par là. L'idée est de faire illusion et de trouver la vérité. C'est ce que j'avais fait aussi en cuisine pour Les saveurs du palais, même si le contexte était complètement différent. »

PETITE PAUSE

Catherine Frot compte maintenant prendre une petite pause de cinéma, le temps de trouver un autre beau et grand rôle à jouer, dans lequel elle pourra s'investir totalement. 

« Ils sont si rares ! dit-elle. Il faut chercher, quitte à provoquer parfois les choses. Je n'hésite pas à solliciter les metteurs en scène. Par exemple, j'avais fait part à Xavier Giannoli de mon envie de travailler avec lui et il m'a envoyé le scénario de Marguerite ! Ça ne marche pas à tous les coups, mais parfois, si ! »

Sage femme est actuellement à l'affiche.