Avec De père en flic 2, Émile Gaudreault signe sa huitième comédie, ce qui en fait l'un des réalisateurs les plus spécialisés dans le genre au Québec. Entrevue avec un cinéaste qui prend l'humour très au sérieux.

On lui avait parlé il n'y a pas si longtemps pour la sortie de Père fils thérapie, l'adaptation française du premier De père en flic. Avec cette suite, qui nage dans les mêmes eaux thérapeutiques, si on peut dire, on se demande s'il n'est pas au bord de la surdose.

«Non, on est tellement dans le moment présent quand on fait un film, répond-il. Est-ce que ça marche, la scène? C'est ma seule préoccupation.»

Tous les comédiens qui ont travaillé avec Émile Gaudreault vous le diront: c'est un maniaque de la précision comique. Qui peut reprendre inlassablement la même scène pour arriver au rythme parfait. Et il est celui qui rit le moins sur un plateau, obsédé par le résultat. De père en flic 2, il l'a peaufiné jusqu'à il y a quelques jours dans la salle de montage.

«Le travail d'Émile, c'est de la vraie dentelle», résume sa productrice Denise Robert.

Et c'est ainsi qu'il s'est taillé une place de choix comme réalisateur de comédies, de Nuit de noces en 2001 en passant par Mambo Italiano, Le sens de l'humour, Le vrai du faux et, bien sûr, les films de De père en flic. Lorsqu'on lui dit qu'il est en train de devenir un spécialiste du genre, il présente une vision humble des choses. «Je suis un humoriste au départ. Je faisais des shows avec le Groupe sanguin, j'ai fait des mises en scène pour des humoristes, comme Michel Courtemanche. Quand j'ai quitté le Groupe sanguin, tout le monde savait que je voulais faire du cinéma.» 

«C'est sûr que la comédie fait partie de moi. Je ne me pose même pas la question. Mais c'est sûr que j'ai envie d'explorer et de me libérer de la comédie.»

Car, il l'avoue, la comédie est une maîtresse assez tyrannique. «C'est une chaîne. La comédie me dit où mettre la caméra, où couper dans le montage, ce que je dois mettre et ne surtout pas mettre dans le plan. C'est d'une précision totale, comme une partition avec des notes difficiles à atteindre. J'aime tous les genres, et je suis curieux de toucher le drame, de travailler dans un contexte que j'imagine un peu plus libre, même si je soupçonne que cela a ses exigences aussi.»

L'acceptation

Son prochain scénario sera pourtant une comédie sur la mythomanie, parce qu'il craint de se faire piquer l'idée, mais il planche aussi sur un drame, inspiré par un reportage qu'il a vu sur les ateliers de compétences parentales de la DPJ. Après les thérapies père-fils du premier film, le bootcamp pour couples de cette suite, cette idée est dans la même ligne. Émile Gaudreault a suivi une thérapie pendant 14 ans, avec un psy qu'il estime beaucoup. Non, il n'est pas dans la surdose: ça l'intéresse vraiment. «Tout ça me fascine. La réflexion sur ce qui fait un être humain. Comment on peut se débarrasser de son enfance et en même temps accepter que c'est toujours là. Le pardon. Ma thérapie m'a donné une connaissance de la nature humaine. Mes personnages, soudainement, je les comprenais.»

Et Marc, incarné par Louis-José Houde, c'est un peu lui. «J'ai l'impression que le parcours de Marc, c'est le mien. D'arrêter d'attendre quelque chose de mon père et de me dire qu'il ne changera pas. De le prendre comme il est, de me dire que ce sera ça, ma relation avec lui, avec ses limites, et de ne plus me laisser affecter parce que j'en suis conscient. Une espèce d'acceptation, finalement.»

Et dans son film, il a décidé très tard que ses deux personnages allaient se dire «je t'aime». «Dans ma tête, il ne fallait pas qu'il le dise à son fils, mais il manquait quelque chose, et j'avais une petite boule en dedans. Elle est partie quand j'ai décidé en salle de montage de mettre cette phrase. J'ai compris que mon refus venait d'une notion cérébrale, intellectuelle, alors que cette histoire-là le demandait.»

La technique Gaudreault

La technique Gaudreault pour faire une comédie est très sérieuse. Après tout, il doit diriger une quinzaine de comédiennes et comédiens super drôles, parfois dissipés sur un plateau. Mais pour lui, les personnages, aussi comiques soient-ils, sont dans un drame. 

«Quand je les dirige, je ne parle jamais de comédie. Ça, ça va venir. Parce qu'ils ont cette espèce de don-là, même quand ils sont dans l'émotion. J'ai déjà fait des auditions avec des gens qui n'ont pas ça, et c'était un cauchemar.»

«Ce que j'aime du film, c'est qu'il y a tellement de bons acteurs. Ils sont drôles, ils sont vrais, ils ont tellement de charisme, ça donne une richesse au film qui remplace les effets spéciaux.»

Et ce qui lui fait le plus plaisir avec De père en flic 2, c'est le temps qui a passé. «J'ai plus d'expérience, je suis plus solide et Louis-José Houde aussi. C'est celui qui a le plus évolué, je pense. Dans le trio, Michel était un vétéran vraiment doué, alors que moi, c'était mon premier gros film et Louis-José, son premier rôle principal. Il est plus game d'aller dans l'émotion. Le plus gros défi des humoristes, c'est d'accepter d'être vulnérable et de ressentir profondément les choses. Je le trouve plus drôle et plus vrai parce qu'il ressent plus les affaires. Les gens vont voir Louis-José comme ils ne l'ont pas vu avant, je pense.»

Seul un humoriste peut comprendre un autre humoriste...