Après plusieurs courts métrages aux différents langages cinématographiques, Karl Lemieux présente un premier long métrage de fiction, Maudite poutine, où il est question de mal-être et de violence chez les hommes vivant en région au Québec.

Mettant en vedette Jean-Simon Leduc dans le rôle principal de Vincent, Martin Dubreuil, Francis La Haye, Marie Brassard et Robin Aubert, l'oeuvre, qui sera présentée dans quelques jours au Festival international du film de Rotterdam, se distingue par sa recherche esthétique (tournée en noir et blanc et en 16 mm) et formelle.

La Presse en a discuté avec le cinéaste.

On dirait que le son vous a amené au cinéma. Est-ce possible?

Oui. Longtemps, je me suis senti plus proche de la musique que du cinéma. J'ai grandi près de Victoriaville, où est présenté le Festival de musique actuelle. Un de mes musiciens préférés lorsque j'avais 15 ans, Thurston Moore, du groupe Sonic Youth, y est venu. Je me suis donc ouvert à des spectacles de free jazz, de musique contemporaine, etc. À travers cela, j'ai découvert tout un univers de gens qui expérimentaient avec le son. Et c'est devenu une passion.

Qu'est-ce qui vous a motivé à réaliser  Maudite poutine?

C'était une façon pour moi de digérer une partie de ma vie. Une façon de digérer le temps que j'ai passé dans la région du Centre-du-Québec. Je me suis penché sur de vieilles histoires dont j'ai été témoin, des choses qu'on m'a racontées. C'est important pour moi de travailler sur des thèmes et avec des matériaux qui m'intéressent.

Parlant de matériaux, quelle est la plus-value d'avoir tourné en noir et blanc et en 16 mm?

Ma pratique est centrée autour du 16 mm depuis plus de 10 ans. Je fais beaucoup de projections pour des concerts, et elles sont toujours tournées en 16 mm. C'est un médium flexible dans son côté organique. J'adore le grain du film et ses contrastes. Par ailleurs, le noir et blanc a beaucoup été utilisé en cinéma expérimental dans les années 60 ou dans le cinéma underground des années 80. Ce sont des éléments esthétiques qui, à mon avis, sont appropriés au contexte de l'histoire: une gang de jeunes musiciens punks et des paysages industriels.

Comme d'autres films québécois parlant d'hommes et de régions, Maudite poutine est noir, cru et dur. Qu'en dites-vous?

Le film est dur, mais la réalité dans ces milieux l'est encore plus. À la fin de la projection de mon film au FNC, une dame est venue me parler de son fils qui a subi des menaces de mort pour avoir été surpris à vendre de la drogue sur le mauvais territoire. Elle était inquiète; elle ne savait jamais ce qui allait lui arriver. J'ai eu aussi des amis qui ont été victimes de violence, de règlements de comptes. C'est peut-être pire à Montréal, mais dans de petits villages où tout le monde se connaît, ce sont des réalités que l'on côtoie.

Le personnage principal de Vincent est très lisse comparativement aux autres. Pourquoi?

C'était important que mon personnage ne cadre pas dans son milieu. Je voulais créer un contraste sur ce plan. Vincent n'avait pas choisi son milieu. Ça donne un personnage plus introverti, moins coloré, que ceux de son entourage.

Pourquoi ce titre très éloigné de l'histoire?

Je ne voulais pas un titre aussi sombre que le film, qui est, ultimement, une forme de poème. Je pense que ç'aurait été attendu que je sorte un titre sombre et poétique; je ne voulais pas tomber là-dedans. Et comme c'est aussi tourné dans le Centre-du-Québec, je voulais quelque chose de profondément québécois. Maudite poutine est une façon un peu vulgaire de parler de cette noirceur-là.

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Maudite poutine prend l'affiche le 27 janvier.

Photo fournie par Funfilm distribution

Martin Dubreuil dans Maudite poutine