Quelle vision Nathalie Baye, Gaspard Ulliel et Léa Seydoux ont-ils de Xavier Dolan ? De passage à Montréal plus tôt cette semaine pour la première de Juste la fin du monde, ils ont répondu à trois questions : racontez votre rencontre avec l'oeuvre et l'homme, décrivez ce qui distingue le cinéaste québécois des autres et précisez pourquoi il exerce une telle fascination auprès des médias et de ses admirateurs.

NATHALIE BAYE : L'absolue liberté

« J'ai entendu parler de Xavier une toute première fois après la présentation de J'ai tué ma mère à Cannes. Des gens en qui j'ai confiance m'ont parlé en bien de ce film et je l'ai vu tout de suite, dès sa sortie à Paris. J'ai adoré. Un premier film épatant, très puissant déjà. Ensuite, j'ai vu Les amours imaginaires. Un jour, mon agent m'a fait savoir que Xavier voulait me rencontrer. Il souhaitait venir me voir à Paris, mais le hasard a voulu qu'un festival de Montréal me consacre un coup de chapeau au même moment. Je me souviens très, très bien de cette première rencontre. J'ai vu ce tout jeune homme, très sérieux, qui voulait me faire lire le scénario de Laurence Anyways. J'ai lu, j'ai aimé, j'ai voulu jouer le rôle de la mère et je n'ai pas hésité une seconde. Une vraie et belle rencontre s'est faite sur le plateau, même si je ne tournais pas longtemps.

« Ce qui distingue Xavier des autres est sa liberté. Son absolue liberté. J'ai rarement vu un réalisateur aussi libre. Il n'a que faire des conventions et se fout des principes habituels. Cette liberté artistique lui permet une très grande audace aussi.

« Par exemple, il peut choisir de ne faire pratiquement que des gros plans dans un film comme Juste la fin du monde. Ses choix musicaux et l'utilisation qu'il en fait sont également remarquables. Il n'a aucun code, ne suit aucune règle.

« Xavier ne parle que de choses qui nous touchent. Il fait un cinéma qui fonctionne sur l'émotion, mais pas cette émotion dégoulinante ou racoleuse. Elle n'a rien de sentimentalo-machin. Xavier est un grand sensible, un émotif, un artiste à fleur de peau, et il fait un cinéma qui lui ressemble. Avec lui, je peux y aller les yeux fermés, j'accepte sans même avoir lu un scénario. En plus, une véritable amitié est née entre nous. Il fait partie des personnes précieuses de ma vie. »

GASPARD ULLIEL : Un vrai phénomène

« Notre toute première rencontre n'a jamais eu lieu ! Au cours d'une soirée cannoise de 2009, un jeune acteur vient me trouver : Niels Schneider. Qui me dit être avec un jeune cinéaste québécois qui apprécie mon travail et qui aimerait me rencontrer. Il me montre alors ce tout jeune homme plus loin et, honnêtement, je n'y ai pas cru ! J'ai même pensé que ces deux jeunes se foutaient de ma gueule. Ça arrive parfois. Je l'ai un peu renvoyé sur les roses, en fait. Son film est sorti et là, je me suis aperçu de ma grossière erreur. On s'est recroisés par la suite, souvent dans les festivals de cinéma. Quand il m'a parlé de Juste la fin du monde, c'était à Los Angeles. On a enfin concrétisé cette envie mutuelle.

« Xavier est quelqu'un, déjà, de très entier. Il y a quelque chose d'impulsif, de très instinctif chez lui. Cette urgence fait en sorte que ses films sont à son image. Il ne recule devant rien et ne fait pas de compromis. 

« C'est le cinéma du plein, de la fougue. Et pourtant, rien n'est bâclé. L'ambiance sur un plateau est intimement liée à la personnalité du metteur en scène, et je garde un souvenir très joyeux de ce tournage.

« Xavier, il a ses films, mais il a aussi tout ce qu'il met en place autour. Au-delà du film, il intervient sur les communications, sur les images... Vraiment, je ne sais pas. C'est vrai que c'est un phénomène. Peut-être parce qu'il arrive à toucher l'intimité de chacun. À créer un cinéma profondément viscéral. Comme un miroir tendu au spectateur afin qu'il puisse se regarder lui-même. Et s'y reconnaître. »

LÉA SEYDOUX : Comme un porte-parole

« La toute première fois que j'ai entendu le nom de Xavier Dolan, c'est une amie qui l'a prononcé. Elle avait vu J'ai tué ma mère et elle avait trouvé le film incroyable. Elle m'a dit qu'il fallait absolument que je voie ce film extra d'un tout jeune metteur en scène, etc. Et il est vrai qu'en France, Xavier a tout de suite exercé une fascination, dès son premier film. Et puis, Mommy est arrivé. Ç'a été... explosif ! Quand mon agent m'a appelée pour m'annoncer que Xavier voulait me rencontrer pour parler de son projet d'adaptation de Juste la fin du monde, j'étais évidemment très excitée ! J'avais déjà une image de lui, car son cinéma a fait en sorte qu'il m'a toujours interpellée, et même fascinée. Autour de moi, je vois bien que dès que j'évoque le nom de Xavier, ça interpelle plein de gens. Après, la vraie rencontre a eu lieu. 

« J'ai adoré travailler avec lui, même si ça n'est pas toujours facile. Il est exigeant, il est fougueux, il est hyper créatif et il a une imagination débordante. C'est excitant de travailler avec lui parce que ça bouillonne, c'est électrique. Est-ce sa jeunesse ? Moi, j'aime sa jeunesse, dans ses films en tout cas. Sa liberté de ton, en fait.

« Tous les cinéastes ont leurs particularités. Je tenais à tourner avec Xavier, même si ç'a été très compliqué. Je tournais Spectre au même moment. De passer d'un personnage à un autre alors que les deux n'ont strictement rien à voir, c'est difficile pour la concentration. Mais pour avoir l'occasion de tourner avec Xavier, je n'ai pas hésité à le faire.

« À mes yeux, Xavier exerce cette fascination parce que les gens se reconnaissent en lui. C'est un porte-parole, en fait. Il cristallise quelque chose qui est le propre des gens de sa génération. C'est une évidence. C'est pour ça qu'il est une idole ! »

Juste la fin du monde prend l'affiche le mercredi 21 septembre.