Depuis qu'elle a été révélée au monde du cinéma grâce à Beau fixe, un film de Christian Vincent, Isabelle Carré a pu se tailler une place de choix.

Des cinéastes aussi différents que Jean-Paul Rappeneau (Le hussard sur le toit), Bertrand Tavernier (Holy Lola), Zabou Breitman (Se souvenir des belles choses, qui lui vaut le César de la meilleure actrice en 2001), Philippe Harel (La femme défendue) ou Michel Spinosa (Anna M.), pour ne nommer qu'eux, ont su mettre en valeur le talent de cette actrice discrète, qui a cette faculté de toujours pouvoir s'effacer complètement derrière un personnage.

Davantage associée aux rôles dramatiques, Isabelle Carré n'en aime pas moins brouiller les pistes de temps à autre. Des films comme Quatre étoiles, pour lequel elle retrouve Christian Vincent, ou Les émotifs anonymes (Jean-Pierre Améris) traduisent aussi son penchant pour la comédie.

Un autre modèle

À la faveur d'Ange et Gabrielle, Isabelle Carré plonge cette fois dans l'univers d'une comédie romantique pleinement assumée. Même si le deuxième long métrage d'Anne Giafferi (Qui a envie d'être aimé?) emprunte en apparence toutes les allures d'une forme classique, il reste qu'il distille sans en avoir l'air un propos qui, aux yeux de l'actrice, est essentiel à livrer.

Ce projet de film a été élaboré au moment où le débat sur le «mariage pour tous» faisait rage en France. Rappelons qu'au moment où le gouvernement français s'apprêtait, plusieurs années après le Québec, à rendre légal le mariage entre personnes de même sexe, des milliers de traditionalistes sont descendus dans la rue en guise de protestation. En scandant des discours qui, parfois, n'avaient rien de très glorieux.

«J'ai été complètement troublée et choquée par ce que j'ai vu et entendu, a expliqué l'actrice au cours d'une récente rencontre à Paris. Jamais je n'aurais pu imaginer que ce débat pouvait prendre une telle ampleur et provoquer de tels dérapages en France.»

«Quand j'ai lu le scénario d'Ange et Gabrielle, ça m'a fait du bien. Je dirais même que ça m'a consolée!»

L'histoire d'Ange et Gabrielle n'aborde pas du tout la question du mariage entre personnes de même sexe, cela dit. Même si, inévitablement, on y fait écho à un moment donné. Elle évoque plutôt l'idée du concept même de la famille, réinventé maintenant pour correspondre davantage à la société moderne.

«Cette idée me plaisait beaucoup, indique l'actrice. Sous ses allures classiques, cette comédie propose un regard sur la famille qui, à mon sens, est très juste.»

Un couple inattendu

Dans ce film qui, au départ, est une libre adaptation de la pièce de Murielle Magellan L'éveil du chameau, Isabelle Carré incarne Gabrielle, la mère seule d'une adolescente de 17 ans. Quand cette dernière se retrouve enceinte et qu'elle annonce vouloir poursuivre sa grossesse (au grand dam de son amoureux, aussi jeune qu'elle), Gabrielle décide de prendre les choses en main. Aussi tente-t-elle de convaincre Ange (Patrick Bruel), le père de l'amoureux de sa fille, d'intervenir auprès de son fils. L'ennui, c'est que ce célibataire endurci qui, même dans la cinquantaine, voit toujours l'existence comme un prolongement de l'adolescence n'a jamais reconnu sa paternité.

À cet égard, la réalisatrice estimait que la réunion d'acteurs aussi différents qu'Isabelle Carré et Patrick Bruel pouvait créer une dynamique intéressante à l'écran.

«Le récit évolue à partir d'un personnage masculin un peu vieille école, très macho, complètement démodé par rapport à ce que sont les hommes aujourd'hui, précise Anne Giafferi. Le défi était de rendre ce personnage crédible, sans tomber dans la caricature. Patrick a été parfait. Et ça fonctionne magnifiquement bien avec Isabelle.»

De son côté, l'actrice a pris un certain plaisir à jouer de son image. Alors qu'elles travaillaient ensemble pour un téléfilm (La vie à l'envers), Anne Giafferi a trouvé en Isabelle Carré des similitudes physiques avec la regrettée Françoise Dorléac, vedette de La peau douce et, avec sa soeur Catherine Deneuve, des Demoiselles de Rochefort. La réalisatrice s'est amusée à exploiter cette ressemblance pour le personnage de Gabrielle.

«Et j'étais tout à fait d'accord! conclut l'interprète de Gabrielle. D'autant que Françoise était une actrice que j'admirais beaucoup.»

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Ange et Gabrielle prendra l'affiche le 19 février. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.