La sortie d'Anomalisa, huit ans après Synecdoche, New York, était l'occasion idéale de rencontrer Charlie Kaufman en personne. Le scénariste et réalisateur a pris le temps de répondre à nos questions, lors de son passage à Toronto.

Chacun de vos scénarios est un plongeon dans notre psyché. Une quête existentielle. Est-ce que votre travail d'écriture vous libère de vos angoisses?

Je ne sais pas. Je retire une certaine satisfaction lorsque je lance des trucs qui sont proches de moi et qui sont aussi proches des gens. À ce moment-là, je me sens moins seul et j'espère que les gens se sentent moins seuls. À l'inverse, quand les gens réagissent mal, ça me fait aussi du mal, donc c'est aussi un pari dangereux, mais je suis prêt à jouer le jeu.

Jusqu'à quel point êtes-vous proche des personnages que vous avez créés au fil des ans: Craig, Charlie, Joel, Caden, maintenant Michael. C'est un peu vous, non?

Quand j'écris, j'essaie d'être sincère et vrai. Ça vaut pour tous mes personnages, incluant ceux que vous mentionnez. Donc, forcément, tous mes personnages sont une part de qui je suis.

Ils ont tous une forme de déséquilibre... Au moins, vous n'êtes pas atteint du syndrome de Fregoli!

Non, c'est vrai. Mais nous avons tous des déséquilibres, non?

Êtes-vous un Anomacharlie? Je veux dire face à l'industrie hollywoodienne, vous êtes quand même une voix plutôt distincte, vous aussi, non?

J'essaie d'être moi-même, d'être sincère. Je ne ferai jamais de la merde simplement pour faire de l'argent. Je veux avoir l'impression de contribuer à quelque chose, de livrer une part de moi-même.

Est-ce que vos films vous ont changé? Parce que dans tous vos scénarios, vous tirez une sonnette d'alarme. Vos personnages principaux reçoivent des électrochocs que vous devez ressentir...

Je ne sais pas si j'ai changé. Ce qui est sûr, c'est que les gens cherchent un sens à leur vie, moi compris. Ils cherchent à faire des connexions, à établir des liens. Que ce soit à travers d'autres êtres humains ou à travers Dieu. Nous sommes des animaux sociaux après tout. Dans ce sens-là, oui, on évolue.

On dit souvent qu'au fond, les auteurs écrivent toujours la même chose. L'histoire change, bien sûr, mais les idées et l'imagerie restent les mêmes. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?

On m'a souvent fait remarquer ça. Pourtant, ce n'est jamais quelque chose que je planifie ou que je fais intentionnellement. De toute façon, ce n'est pas à moi de tirer cette conclusion. J'explore des idées qui m'intéressent, c'est tout.

Il y a quand même des thèmes récurrents: établir des liens avec les autres, faire des choix, vivre à fond, les arts, la création...

Oui, c'est vrai. Mais globalement, je pense que les gens sont généralement compliqués. Ils ont des vies complexes et conflictuelles. C'est ça que j'explore. C'est ça qui m'intéresse. Je ne prescris pas ce qu'il faut faire. Je ne dis pas que ceci est bon ou mauvais. Si les gens ont cette impression, ce n'est absolument pas intentionnel.

Dans une entrevue au magazine Rolling Stone, on vous demande ce qui vous rend heureux. Vous répondez «la météo». Je ne sais pas si c'était une réponse sérieuse, mais est-ce qu'on vous pose souvent la question?

(Sourire) Non, je ne crois pas qu'on me pose souvent la question... Mais oui, ma réponse était sérieuse.

C'est peut-être à cause du sentiment de tristesse qu'on retrouve dans vos films...

C'est vrai que je suis prompt à la tristesse, je n'y peux rien...