Au cours des années 60, les frères jumeaux Kray ont régné en rois et maîtres sur le milieu criminel londonien. Leur histoire est plutôt mal connue de ce côté de l'Atlantique, mais elle est de celles dont on fait les légendes au Royaume-Uni.

Brian Helgeland a d'abord fait sa marque dans le cinéma américain en tant que scénariste. Le scénario de L.A. Confidential, qu'il avait écrit en collaboration avec le cinéaste Curtis Hanson, lui a en outre valu un Oscar en 1998. Plus tard, Clint Eastwood a fait appel à lui pour écrire le scénario de Mystic River, l'adaptation du roman de Dennis Lehane.

Rompu aussi à la réalisation (il a notamment signé 42, ce film consacré à Jackie Robinson), Brian Helgeland propose aujourd'hui Legend, son cinquième long métrage. La particularité de ce film de gangsters réside dans le fait qu'il est campé en Angleterre. On y décrit la vie de frères jumeaux ayant réellement existé, Reggie et Ronnie Kray, dont le statut iconique reste toujours intact, même plus de 15 et 20 ans après leur mort.

Un lien avec... Led Zeppelin!

Si l'histoire des frères Kray est très connue en Grande-Bretagne, il en est tout autrement sur notre côté de rivage. Comment le cinéaste américain en est-il venu à s'intéresser à ces impitoyables mafieux qui, au cours des années 60, ont fait régner leur loi à Londres?

«C'est une très longue histoire, a expliqué le cinéaste la semaine dernière, au cours d'un entretien accordé à La Presse. À la fin des années 80, le studio Warner m'envoie en repérage en Angleterre en vue d'un projet de film sur le groupe musical Led Zeppelin. Mon mandat était de suivre Robert Plant et Jimmy Page pendant leur tournée et de réaliser des interviews avec eux. Le projet ne s'est jamais concrétisé, mais j'ai quand même eu alors l'occasion de rencontrer l'agent du groupe, à qui il manquait un doigt. Il m'a dit qu'il se l'était fait couper par les frères Kray. C'est la première fois que j'ai entendu parler d'eux.

«Plus tard, j'ai cependant su qu'il avait inventé toute cette histoire. Au fil de mes recherches pour ce film, je me suis d'ailleurs vite aperçu que plusieurs des histoires qu'on me racontait n'étaient pas vraies.»

Stars et criminels

C'est en tentant de percer l'énigme que Brian Helgeland, bien des années plus tard, a décidé de se lancer dans l'écriture et la réalisation d'un film sur les célèbres frères Kray. Pour ce faire, il s'est d'abord inspiré d'une biographie, rédigée par John Pearson en 1972.

«Mais le plus utile aura été de rencontrer les gens qui les ont connus d'une façon ou d'une autre, indique-t-il. Leur légende est immense à Londres. C'est comme si tout le monde revendiquait une histoire qui leur était arrivée dans laquelle les Kray étaient impliqués. Ils ont ainsi un statut plutôt étrange. Ce sont des stars et des criminels à la fois. Il devient alors difficile de distinguer le vrai du faux. Je ne peux dire que l'histoire qu'on raconte dans le film est véridique et définitive. D'où le titre. En revanche, j'ai vraiment essayé de traduire le plus fidèlement possible l'authenticité émotionnelle de ces personnages.»

En fait, la clé du récit, pour le scénariste, est venue de la conjointe de Reggie Kray, disparue très jeune. C'est à travers elle que l'envie de consacrer un film aux frères Kray s'est confirmée dans son esprit.

«On peut trouver beaucoup de documents à propos de Reggie ou Ron; beaucoup moins à propos de Frances, la femme de Reggie, fait remarquer le cinéaste. Or, c'est à travers elle que s'est amorcée la chute des frères Kray. C'est aussi grâce à elle que Reggie décide d'abandonner le milieu criminel.

«À ce propos, tout s'est éclairci le jour où j'ai pu rencontrer Chris Lambrianou, un ancien associé qui a purgé une peine de prison. Il est le seul qui a pu bien me parler de Frances. Grâce à lui, tout s'est déclenché. J'ai alors été convaincu qu'un bon film pouvait être tiré de cette histoire.»

Tom Hardy en double

S'il n'écrit jamais un scénario en pensant à un acteur en particulier, Brian Helgeland affirme que son choix s'est vite fixé sur Tom Hardy.

«Je n'étais pas certain de vouloir prendre un seul et même acteur pour les deux rôles, dit-il. Je craignais que ce soit une distraction pour le spectateur. J'ai donc d'abord offert le rôle de Reggie à Tom, mais il se trouve que le personnage de Ron l'allumait davantage. On a fini la première rencontre en estimant que Tom pourrait camper les deux personnages. Mais ni lui ni moi n'avions idée de ce qui nous attendait. Cela dit, pour moi, la difficulté était surtout de nature technique. Mais pour Tom, les rôles étaient bien définis. Il ne pouvait évidemment pas se donner la réplique à lui-même. Et il n'y avait jamais personne en face de lui!»

Helgeland souligne par ailleurs son amour pour la capitale britannique. Il estime en outre que les réalisateurs étrangers semblent parfois capter des choses inédites d'une société qui n'est pas la leur.

«Je suis venu à Londres très souvent au fil des ans. J'adore cette ville. Mais c'est aussi le travail de tout bon scénariste de savoir traduire une mentalité, un état d'esprit.»

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Legend (Légende en version française) prendra l'affiche le 4 décembre.