L'histoire serait celle d'un enfant et de son chien... mais en inversant les rôles: l'enfant se comporterait comme un chien et le chien, comme un enfant. Et tant qu'à faire, si le chien se comportant comme un enfant ressemblait à un dinosaure? Un dinosaure, ce serait pas mal plus cool, non? Mais il faudrait pour cela que les dinosaures n'aient pas disparu. OK, on détourne l'astéroïde qui a causé leur extinction.

Récapitulons. Un dinosaure qui se conduit comme un enfant se lie d'amitié avec un enfant qui se conduit comme un chien! On y va comme ça? On y va!

Ça ressemble un peu à ça, un remue-méninges chez Pixar. Les idées sont lancées, rebondissent de l'un à l'autre, sortent d'une tête, changent de main.

Et, parfois, se heurtent à un mur.

C'est ce qui est arrivé à The Good Dinosaur.

Le flash original venait de Rob Peterson, coréalisateur et coscénariste de Up, avec Pete Docter. Parmi ses troupes sur ce long métrage, travaillant au scénarimage (story-board), se trouvait Peter Sohn.

«Bob m'a demandé de développer le projet avec lui, racontait celui-ci lors de rencontres de presse tenues le week-end dernier à Los Angeles. Mais vous savez, parfois, quand toutes les portes sont ouvertes et qu'on explore tous les «et si?», on peut se perdre. L'histoire est ainsi devenue lourde sur le plan de l'intrigue.» Et son troisième acte ne convainquait personne.

Au point que, en 2013, après quatre années d'un travail qui n'aboutissait pas, il a été décidé qu'il valait mieux, pour la survie de projet, faire marche arrière. Ce qui a entraîné le départ de Rob Peterson. Et la promotion de Peter Sohn au titre de réalisateur.

Malgré ses succès, Pixar a connu son lot de productions problématiques - que l'on songe à Ratatouille et à Brave, qui n'en ont pas moins remporté les Oscars du meilleur film d'animation -, mais ce passage à vide n'est jamais agréable, reconnaît la productrice Denise Ream.

Repartir à zéro

«Nous avons recommencé à zéro, résume-t-elle. C'est une chose qui ne s'était jamais produite chez nous. Et j'ai eu la tâche désagréable de mettre plusieurs superviseurs d'équipe à pied: nous avions deux ans pour terminer le film, il fallait pour cela avoir des gens expérimentés à la tête de tous les départements afin que Peter et Meg [LeFauve, la scénariste] puissent se concentrer sur l'histoire. Parce qu'il n'y avait rien à faire tant que l'histoire n'était pas là.»

L'histoire, donc. «Je l'ai voulue simple, très simple. Tellement simple que vous ne pouvez vous cacher nulle part. Et la simplicité est un défi», fait Peter Sohn.

Sous sa gouverne, Arlo est devenu plus jeune, «moins solide, plus rond. C'était le meilleur moyen de voir et sentir le garçon en lui».

Ce jeune Arlo vit sur une Terre où les dinosaures ont évolué et où, dans les vastes étendues de ce qui ressemble au Far West américain, les herbivores sont devenus fermiers et les carnivores, cow-boys.

Arlo (voix de Raymond Ochoa) est un jeune apatosaure. Donc un herbivore. Donc un fermier. Un futur fermier, Pappa (voix de Jeffrey Wright) et Momma (voix de Frances McDormand) étant pour l'instant responsable des semailles et des moissons, aidés par leurs trois enfants. Parmi lesquels Arlo est le moins «utile».

Petit, peureux, il n'est pas à la hauteur de la tâche. Jusqu'à ce qu'un drame survienne. Qu'il se retrouve en territoire inconnu, là où les tyrannosaures élèvent leurs troupeaux de «longhorns», et qu'il rencontre un petit humain sauvage qu'il appellera Spot (voix de Jack Bright).

Tandis que ce tandem dépareillé tentera de retrouver la ferme de la famille d'Arlo, il croisera des ptérodactyles, des vélociraptors, un styracosaure. Et il subira les foudres d'une nature impitoyable.

Paysages grandioses

La nature. Recréée en photoréalisme à l'écran, elle est spectaculaire dans The Good Dinosaur. L'eau qui court et qui gronde. Le ciel qui se charge, tonne et s'abat en tornade. Les lucioles qui s'allument et tournoient dans la nuit. La nuée d'oiseaux blancs qui s'élève du sol. Et les paysages! Grandioses. On ne s'étonne pas, quand on les a vus, d'entendre Peter Sohn dire son amour pour les westerns de John Ford.

Sur ces images d'un réalisme fou, des personnages, eux, «cartoonesques». «C'est une décision artistique que nous avons prise, car cela nous permettait de bien sentir le garçon dans le dinosaure, ce qui aurait été impossible avec un design plus réaliste», assure le réalisateur.

Un anthropomorphisme qui s'applique aussi aux tyrannosaures... et se mêle, là, à une tendance équine: «Butch, Ramsey et Nash [voix de Sam Elliott, d'Anna Paquin et d'AJ Buckley] allient l'humain au cheval. Quand ils se déplacent, le bas de leur corps bouge comme celui d'un cheval qui court et le haut de leur corps, comme un cow-boy chevauchant sa monture», explique Peter Sohn, qui, pour les apatosaures, a étudié la démarche des éléphants. Et, pour Arlo en particulier, la dégaine des adolescents.

Bref, on est loin des monstres de Jurassic Park... même si le long métrage de Steven Spielberg est l'un des préférés du réalisateur.

C'est que son histoire, destinée à la frange la plus jeune des publics auxquels Pixar s'est adressé jusqu'ici, est avant tout une histoire d'amitié, d'amour familial. Et, au lieu de chercher directement à faire peur, elle traite de l'importance de cette émotion - vitale si elle ne paralyse pas.

Le mot de la fin, à cet égard, revient à Jeffrey Wright, la voix du père d'Arlo: «Quelqu'un qui n'a pas peur n'est utile à personne, surtout pas à lui-même.» Pas besoin d'être dinosaure pour profiter de la leçon.

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The Good Dinosaur (Le bon dinosaure) prend l'affiche le 25 novembre. Les frais de voyage ont été payés par Walt Disney Pictures Studios.