Même s'il a tout joué et reçu tous les honneurs, Christopher Plummer demeure toujours aussi anxieux face à un rôle. Dans le nouveau film d'Atom Egoyan, le vétéran, qui a passé sa jeunesse à Montréal, se retrouve même dans une position inédite.

Du haut de ses 85 ans bien sonnés (il célébrera son 86e anniversaire dans deux mois), Christopher Plummer tient toujours à relever de nouveaux défis en tant que comédien. Il y a trois ans, le personnage d'homme mûr qui se permet de vivre son homosexualité après la mort de sa femme bien aimée, qu'il incarnait dans Beginners, lui a valu - enfin - son premier Oscar. La statuette dorée n'avait jamais été attribuée à un acteur aussi âgé auparavant.

Parlez-lui de son âge, il éclatera pourtant de rire. «Quand on est jeune, on est toujours préoccupé par son apparence, surtout quand on fait du cinéma, a-t-il expliqué au cours d'une rencontre de presse tenue pendant le festival de Toronto. C'est vraiment vain. Et stupide. Je suis tellement heureux d'avoir aujourd'hui atteint un âge où je me fous complètement de ces choses-là. À ce stade-ci, rien ne peut plus être fait pour améliorer mon cas!»

Une jeunesse à Montréal

La présence à la table d'un journaliste québécois francophone lui ramènera les souvenirs d'une jeunesse passée à Senneville, petite ville de banlieue huppée, située dans l'ouest de l'île de Montréal. Bien que né à Toronto, Christopher Plummer a été emmené au Québec peu de temps après sa naissance, histoire de grandir dans la maison familiale maternelle. C'est d'ailleurs ici que l'amour du jeu s'est révélé à lui.

«J'ai vécu ma jeunesse à une époque où il régnait sur la ville une très grande effervescence, le jazz, les boîtes de nuit et tout ça. La culture française était aussi en pleine émergence, sur la scène théâtrale notamment. Et cela passait beaucoup par les troupes d'amateurs. La première compagnie professionnelle a été Les Compagnons de Saint-Laurent du père Legault. Ensuite, il y a eu la fondation du Théâtre du Nouveau Monde, grâce à Jean Gascon, mon grand ami, et à Jean-Louis Roux. Comme je suis anglophone, ils m'avaient confié à l'époque une seule réplique à dire dans Sganarelle ou le cocu imaginaire pour faire une blague. Que de beaux souvenirs!»

Et l'acteur de s'exécuter - en français: «Un secret important que j'ai su ce matin rompt absolument ma parole donnée!»

Quand on lui demande s'il exerce toujours son métier de la même façon aujourd'hui, il répond que le trac l'envahit chaque fois.

«Plus je vieillis, plus j'ai l'impression de retourner à mes débuts, explique-t-il. On dirait qu'il y a quelque chose qui se déplace, que la confiance qu'on avait à 40 ou 50 ans s'estompe et nous ramène à nos insécurités de jeunesse. C'est un phénomène très étrange. J'ai toujours autant de plaisir à jouer, cela dit. Cette profession a été très bonne pour moi. J'ai constamment eu du travail et je ne me suis jamais ennuyé. J'espère travailler encore 10 ans au moins!»

Retrouvailles avec Atom Egoyan

Dans le nouveau thriller d'Atom Egoyan, intitulé Remember (Souviens-toi en version française), monsieur Plummer incarne un survivant de l'Holocauste qui entreprend une chasse afin de retrouver celui qui a éliminé sa famille à Auschwitz 70 ans plus tôt. Il appert que Zev, âgé de 90 ans, est aujourd'hui atteint de démence. Et perd progressivement la mémoire. Or, un ami de la maison de retraite (Martin Landau), qui n'a pratiquement plus de mobilité, convainc Zev de partir sur les traces du tortionnaire, aussi responsable de l'exécution de sa famille. Pour ce faire, il donne à son complice des instructions très précises sur papier, lesquelles serviront d'aide-mémoire. Pour trouver le coupable, le vieillard s'enfuira de la maison de retraite, située à New York, et se rendra aux quatre coins de l'Amérique du Nord.

«Zev est très différent de tous les personnages que j'ai interprétés jusqu'à maintenant, indique l'acteur. Je n'ai pas souvent eu à jouer la vulnérabilité de cette façon. Habituellement, que ce soit sur scène ou à l'écran, le personnage que j'incarne mène l'histoire. Là, il la subit. C'est une victime.»

Remember marque aussi les retrouvailles entre l'acteur et le réalisateur d'Ararat.

«À la lecture du scénario de Benjamin August, j'ai été impressionné par la maîtrise qu'affichait quelqu'un d'aussi jeune - il est en à son premier scénario - dans la construction de son histoire. À mes yeux, il était évident qu'Atom était le meilleur réalisateur pour porter cette histoire à l'écran. Non seulement à cause de sa sensibilité, mais parce que Atom est aussi un bon psychiatre sur un plateau! J'avais vraiment besoin d'un ami derrière la caméra pour ce film-là.»

L'acteur affirme que certains rôles ne nécessitent guère de préparation. Celui qu'il campe dans Remember en fait partie.

«C'est que Zev subit tout ce qui lui arrive. Il n'est pas en mesure d'analyser. Dans un cas comme celui-là, l'acteur doit pratiquement être inconscient de l'action dans laquelle le personnage est plongé. C'est pareil pour Atom. Ses films ont habituellement beaucoup de style, mais là, il n'y a pas d'afféterie, pas de trucs, pas d'effets. Il a filmé les scènes telles qu'elles étaient écrites pour leur donner l'aspect le plus réaliste possible. Personnellement, j'aurais aimé que l'aspect documentaire ressorte encore plus, mais déjà, tel qu'il est, j'aime beaucoup ce film.»

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Remember (Souviens-toi en version française) prend l'affiche le 23 octobre.