Quand il avait 18 ans, bien avant qu'il ne «devienne» le capitaine Hawkeye Pierce dans M*A*S*H, puis le sénateur Arnold Vinick de The West Wing, Alan Alda a pris l'avion pour la France avec l'intention d'étudier à La Sorbonne. Il a passé 15 mois à Paris. Il n'a jamais mis les pieds à la faculté, mais a eu du bon temps dans l'Hexagone, où il a appris le français, qu'il parle encore aujourd'hui fort bien, à 79 ans.

«Vers la fin de mon séjour, j'ai même réussi à faire croire à quelqu'un, pendant une demi-heure, que j'étais français», a-t-il raconté lors de l'entrevue qu'il a accordée à La Presse dans un hôtel new-yorkais. Il relate cela, le sourire aux lèvres, le regard allumé d'une étincelle taquine.

Un sourire, une étincelle qu'il sait éteindre, dissimuler, lorsque le rôle l'exige. Il en va ainsi dans Bridge of Spies, où il incarne Thomas Watters, partenaire principal dans la firme où travaille James Donovan. «Mon personnage est celui qui tente de mettre un frein à l'idéalisme de Donovan, pas pour protéger l'homme, mais pour protéger la firme», indique l'acteur que le rôle, bien que n'étant pas de premier plan, a intéressé immédiatement.

Bien sûr, il y a l'époque. La guerre froide. Il s'en souvient fort bien. «C'était un temps très chaud aux États-Unis. À l'école, on apprenait vraiment aux enfants à plonger sous leur bureau en cas d'attaque nucléaire, on les terrifiait en leur projetant des films de ce qui pourrait se produire», fait celui qui voit bien des parallèles entre ces années - «nous étions officiellement en temps de paix» - et ce qui se passe actuellement dans son pays.

«Les questions que se pose James Donovan sont d'actualité. Défendriez-vous votre pays en ignorant les protocoles juridiques qui font que votre pays vaille être défendu? C'est une question très importante à se poser chaque fois qu'il y a une guerre, une question qui refait surface dès qu'il y a menace de guerre», indique- t-il. Avant d'ajouter: «On ne peut pas simplement dire qu'on est le meilleur et le plus grand pays du monde. À un moment donné, on doit faire quelques efforts pour le prouver.»

Pour Spielberg et Hanks

Et tout cela l'a poussé vers Bridge of Spies. Le rôle n'est pas important sur le plan du temps d'écran. Mais ça n'avait, pour lui, aucune importance. «Je voulais tourner avec Steven Spielberg. Il est tellement talentueux, si fort en expérience et en savoir qu'il est complètement détendu sur le plateau alors qu'il est en train d'inventer des choses, là, sur le vif. C'est merveilleux de voir son esprit aller ainsi. Et puis, Tom Hanks et moi n'avions jamais joué ensemble. Alors, qui ne voudrait pas travailler avec des gens aussi doués! Si doués, en fait, qu'il est impossible de ne pas apprendre à leur contact. Or, je souhaite toujours apprendre.»

Pas des paroles en l'air. Loin de là. Fasciné par les sciences et la communication, Alan Alda est professeur invité à l'Université Stony Brook où il a fondé l'Alan Alda Center for Communication Science, dont il est membre du conseil consultatif. Il fait aussi partie du conseil d'administration du World Science Festival et est juge pour Math-O-Vision.

Militant politique qui se prononce entre autres régulièrement sur les droits de la femme, il a aussi signé deux livres biographiques à la fois drôles et... élégants (comme lui): Never Have Your Dog Stuffed - And Other Things I've Learned et Things I Overheard While Talking to Myself. Un troisième est en préparation. «À propos de ce que j'ai compris de ce que les gens comprennent... ou pas, dans leurs relations avec les autres, que ce soit dans le bureau du médecin ou dans leurs relations amoureuses.»

Sur ce dernier point, il doit en avoir pas mal à dire, lui qui, en mars, célébrera son 59e anniversaire de mariage. «Que voulez-vous, termine-t-il dans un grand rire, je suis tellement adorable!» Il l'est en effet.