Même si elle était une amie très proche, Léa Fazer a été surprise d'apprendre que Jocelyn Quivrin avait beaucoup insisté pour rencontrer Éric Rohmer afin de lui offrir ses services. Cette rencontre s'est finalement faite en 2007, à la faveur du tournage du testament cinématographique du cinéaste, Les amours d'Astrée et de Céladon. Ironie du destin, le jeune homme mourra tragiquement en novembre 2009, deux mois avant la disparition du maître.

«Je ne saurai pas pourquoi Jocelyn ne m'a jamais parlé de cela, confie la réalisatrice. Cela restera un mystère. En fait, c'est la productrice des films de Rohmer, Françoise Etchegaray, qui m'a appris à quel point Jocelyn avait insisté pour le rencontrer!»

Par pudeur peut-être, l'acteur n'a jamais confié son admiration pour le maître à celle dont il était aussi l'acteur fétiche.

«Quand on se sent exclu d'un certain type de création artistique, on rêve d'en être, explique la réalisatrice de Maestro. À ce niveau, le cinéma d'auteur est un art aristocratique, dégagé de toute contrainte commerciale. Jocelyn savait instinctivement qu'il y avait là quelque chose pour lui. Il savait sans doute aussi qu'une expérience de cette nature changerait sa vie. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé.»

Un vrai choc

S'il a abordé le tournage sans trop comprendre vraiment la démarche du maître, l'acteur en fut quitte pour un vrai choc au moment de la présentation du film à la Mostra de Venise.

«Ce choc est resté assez mystérieux pour lui, indique Léa Fazer. Le film est vraiment très difficile d'accès, mais Jocelyn avait compris, je crois, qu'il était alors plus question de poésie que de cinéma. J'ai vu ce que ce tournage a provoqué en Jocelyn, l'effet de cette expérience sur sa personne. Il s'est mis à s'intéresser à autre chose, à lire beaucoup. C'était merveilleux à voir.»