Véritable touche-à-tout du cinéma québécois, Marcel Jean propose son Dictionnaire des films québécois. L'ouvrage compte quelque 1300 entrées. En entrevue à La Presse, l'auteur parle de ses choix et explique la pertinence d'un tel ouvrage de référence imprimé en 2014.

Le film Les dangereux est là, page 121. Mais pas Hot Dog, ce qui chagrinera sans doute Éric Salvail. Par contre, on y évoque Hot Dogs, comédie policière dans laquelle jouaient Daniel Pilon, Paul Berval et Gilles Latulippe.

Denys Arcand y est avec 16 titres, ce qui exclut Le règne de la beauté et L'âge des ténèbres, restés dans l'ombre. Denis Villeneuve? Il a cinq titres, mais pas Un 32 août sur terre. Et saviez-vous que Gérald Godin avait coréalisé avec Gilles Groulx un documentaire intitulé Québec...?

L'homme est évoqué dans 11 titres à la lettre H. Il est à tout faire, aux oiseaux, à louer, renversé. Et la femme? Il y a La femme image, celle de l'hôtel et celle qui boit. Il y en a deux en or à la lettre D, une histoire de celles-ci à la lettre U et quatre d'Égypte à la lettre Q.

Déjà auteur de plusieurs livres sur le cinéma, dont le Dictionnaire du cinéma québécois, coécrit avec Michel Coulombe, Marcel Jean a lancé lundi dernier son Dictionnaire des films québécois. L'ouvrage compte quelque 1300 entrées et une petite section qui fera plaisir aux amateurs de listes avec les fictions, courts métrages, films d'animation et documentaires qu'il faut avoir vus.

Pourquoi un dictionnaire sur papier en 2014?

J'ai lu il y a quelques jours que, selon une étude, les Québécois sont toujours attachés au livre en papier. Je pense quand même que cet ouvrage est destiné à se retrouver un jour en format numérique, ce qui permet une mise à jour constante. Mais ce site internet ou cette application n'existe pas encore. De plus, le format papier demeure très intéressant pour la consultation. La manipulation demeure extrêmement conviviale.

Pourquoi les films québécois?

J'aime les dictionnaires. J'en possède beaucoup chez moi. Le Dictionnaire du cinéma québécois et celui-ci sont à mon avis complémentaires. Le Dictionnaire du cinéma québécois est essentiellement constitué d'entrées biographiques (par noms) alors le Dictionnaire des films propose des entrées par titres. Ce que permet ce dernier, c'est d'inclure des oeuvres qui sont parfois des étoiles filantes, soit par des cinéastes qui ont fait très peu ou pas d'autres films ou dont les autres titres sont moins intéressants. Cela permet de donner davantage de place à toutes sortes de formats: cinéma expérimental, courts métrages, animation, etc. Ça couvre des zones qui étaient négligées par le Dictionnaire du cinéma québécois.

Ce n'est quand même pas une recension exhaustive...

Et ça ne peut pas l'être. La production est pléthorique, surtout avec les nouveaux développements technologiques. Où trace-t-on la ligne? Qu'est-ce qui est une oeuvre professionnelle et une oeuvre amateur? On peut de nos jours faire des films avec des téléphones portables. Il faut donc faire des choix.

Quels étaient alors vos critères de sélection?

Le premier critère était de ne rien écrire de mémoire. Ensuite, d'être représentatif de la production. J'ai cherché par exemple un équilibre dans le temps. Pour chaque année, je regarde ce qui s'est fait et je choisis ce qui était représentatif dans les différents genres. J'ai fait aussi des recoupements par auteurs et réalisateurs. Et tous les films qui sont là-dedans ne sont pas des chefs-d'oeuvre. Il y a une entrée sur Angelo, Fredo et Roméo et une autre sur Les dangereux parce que ce sont des échecs qui ont porté, ont fait du bruit à leur époque. Cela dit, ces choix restent toujours subjectifs.

Donc, vous avez vu tous les films dont vous parlez dans le dictionnaire?

Je travaille sur cet ouvrage depuis neuf ans et ça faisait deux ans que je reportais la date de sortie pour creuser encore davantage. Oui, j'ai vu ou revu tous ces films. Mais pour 1300 entrées, j'ai regardé quelque 2500 films.

Le Dictionnaire des films québécois est publié chez Somme toute.

Nous avons demandé à Marcel Jean de nous donner six entrées de son dictionnaire et de les commenter.

Queue tigrée d'un chat comme un pendentif de pare-brise (La), de Jean-Claude Bustros (1989)

Ce film, il n'y a pas beaucoup de spectateurs qui l'ont vu. C'est en même temps un film expérimental, un film politique et une leçon de cinéma. Et quel titre!

Universe de Roman Kroitor et Colin Low (1960)

Un extraordinaire documentaire sur le système solaire. Les effets spéciaux dans ce film sont d'une telle qualité pour l'époque qu'après l'avoir vu, Stanley Kubrick a voulu venir tourner 2001, l'Odyssée de l'espace à l'ONF.

États nordiques (Les), de Denis Côté (2005)

C'est possiblement le long métrage qui a projeté le cinéma québécois dans le XXIe siècle, la consécration de ce renouveau de notre cinématographie qu'on sentait dans la production de courts métrages depuis la création du mouvement Kino.

Bons débarras (Les) de Francis Mankiewicz (1979)

Un authentique chef-d'oeuvre! La poésie incandescente de Réjean Ducharme, la caméra de Michel Brault, la fulgurante rencontre entre la petite Charlotte Laurier et le personnage de Manon, tout cela rassemblé par le talent de Francis Mankiewicz.

Elvis Gratton de Pierre Falardeau et Julien Poulin (1981)

C'est la naissance d'un mythe, ce qui n'est pas rien. L'incarnation de l'une des contradictions québécoises. C'est un peu Le confort et l'indifférence de Denys Arcand pour les nuls.

Chapeau (Le) de Michèle Cournoyer (1999)

On a beaucoup parlé d'agressions sexuelles récemment. Ce film dure à peine six minutes et constitue l'une des plus troublantes et puissantes prises de parole sur le sujet. Paradoxalement, il s'agit d'un film sans paroles, qui exprime donc toute la force dont le cinéma d'animation est capable.