L'Est et l'Ouest fusionnent dans Big Hero 6, film d'animation familial où Disney utilise des personnages de l'écurie Marvel. Un monumental mash-up où Tokyo se mêle à San Francisco, accouchant de San Fransokyo, et où le style manga est apprêté à la sauce Oncle Walt.

Un pari audacieux que prend le studio assez traditionnel qui a vu naître The Little Mermaid, Mulan, Wreck-It Ralph et autres Frozen. Un pari qui ne pouvait être relevé avec succès qu'en ayant à sa barre des créateurs ayant les coudées franches. Or on sait que Marvel est très protecteur de son «univers». Pas un hasard si la première incursion animée de la puissante souris chez le géant du comic book se fait par l'intermédiaire d'une série peu connue.

C'est pendant qu'il travaillait sur Winnie the Pooh, que Don Hall (qui réalise Big Hero 6 avec Chris Williams) a approché John Lasseter, directeur créatif chez Disney et Pixar, pour évoquer la possibilité d'explorer l'univers Marvel (dont, enfant et adolescent, il était fou) à sa manière. Comprendre pour la famille et en animation.

Son but était de faire un film Disney possédant l'ADN Marvel.

Ayant eu l'approbation du grand manitou du studio, il a fouillé dans la réserve où dorment de nombreux et lointains cousins de Thor, Captain America et autres Avengers. En extrayant cinq projets. C'est la tradition: quand on «pitche», chez Disney, on «pitche» au moins trois idées. «Mais Big Hero 6 me semblait le plus prometteur: il y avait là une saveur unique, une possibilité de jouer avec plusieurs émotions», notait le réalisateur lors de rencontres de presse tenues aux studios Walt Disney Animation, à Burbank. «C'était aussi le moins développé. Et le plus obscur.»

D'où la liberté créative accordée à Don Hall et ses troupes. «Ils lui ont dit: «Fais ce que tu veux avec!»», rigole Scott Adsit (30 Rock), lui-même collectionneur de comic books... qui avoue n'avoir jamais entendu parler de Big Hero 6 avant d'être invité à faire la voix de Baymax (que Paul Doucet double au Québec).

Qui? Baymax. Dans cette version revue et corrigée et «rajeunie» par les scénaristes Robert L. Laird et Daniel Jenson, c'est un robot médecin. Il a été créé par un jeune inventeur prometteur, Tadashi. Lequel est malheureusement tué dans un terrible accident. Sa disparition anéantit son frère, Hiro. Un pur génie de la robotique à peine âgé de 14 ans.

Hiro qui émerge de son deuil lorsque des indices pointent dans une direction trouble. La mort de Tadashi ne serait peut-être pas accidentelle. L'adolescent décide alors de trouver le responsable, qui menace également San Fransokyo. À ses côtés, Baymax, bien sûr; mais aussi GoGo Tomago, Honey Lemon, Wasabi et Fred, compagnons de Tadashi à l'université.

Action et émotion

Et, six têtes valant mieux qu'une, ils vont pousser au maximum leur potentiel scientifique, formant une équipe puissante, à la Avengers, mais qui s'adresse à un plus jeune public. «Il y a là tout ce que vous attendez d'un film d'action de Marvel, mais dans un univers Disney», note l'acteur T.J. Miller, voix originale de Fred.

Comprendre qu'il y avait là beaucoup de tons avec lesquels jongler. L'émotion, l'humour et l'action sont en effet ici à pied d'égalité. «L'idée de perte était là depuis le début, note Chris Williams. C'est délicat, mais cela fait partie de l'histoire de Disney. Que l'on pense à Bambi, Dumbo, The Lion King: ce n'est pas d'hier qu'ils touchent des thèmes graves comme la mort.»

Autre facteur: «Bien doser la tension afin qu'elle ne devienne jamais terrifiante pour les petits», poursuit Don Hall. Ainsi, quand le «méchant» mène l'assaut final, son visage caché par un inquiétant masque kabuki, la présence de Baymax - tout en rondeurs «pillsburiennes» même sous l'armure que lui a créée Hiro - fait que la peur, que les petits aiment bien ressentir, ne se transforme pas en terreur.

L'autre défi que l'équipe de Big Hero 6 avait à relever - même si, insiste Don Hall, «la chose la plus important est et demeure l'histoire» - était visuel. Mêler Tokyo à San Francisco de façon naturelle. Les directeurs artistiques Paul Felix et Scott Watanabe (lequel est à moitié japonais et a grandi à San Francisco) ont eu la mission de «japoniser» les rues, les immeubles et les monuments connus de la métropole américaine. «Nous tenions à une intégration crédible, surtout pas à une caricature. C'est une lettre d'amour au Japon et à sa culture que nous désirions offrir», fait Chris Williams. D'où la mise en place d'un groupe de travail surveillant jusqu'au moindre symbole japonais.

Un soin semblable a été apporté au choix des acteurs engagés pour interpréter les personnages - et pas seulement vocalement: leurs premières séances d'enregistrement ont été filmées et ont servi de base au travail des designers de personnages et des animateurs. «Les personnages ne doivent pas être définis par leur race et leur culture, mais il nous semblait important que les acteurs et ceux qu'ils interprètent possèdent le même bagage», fait Don Hall.

Et, vraiment, quand on rencontre les Ryan Potter (Hiro), Scott Adsit (Baymax), Damon Wayans Jr. (Wasabi), T.J. Miller (Fred), Jamie Chung (GoGo Tomago) et Genesis Rodriguez (Honey Lemon), il est très facile de les imaginer tenir le même rôle dans un film en prise de vue réelle. Une telle rareté que cela mérite d'être mentionné.

De Takachiho à Hamada

Dans les comic books, Hiro et Tadashi s'appellent Takachiho. Ici, leur nom de famille est devenu Hamada. «C'est notre petit hommage à Stan Lee, qui est si important dans l'univers Marvel et dont les personnages ont souvent un prénom et un nom ayant la même initiale», fait Don Hall. Après Peter Parker et Bruce Banner et autres Susan Storm, voici donc Hiro Hamada. À noter par ailleurs que le vétéran fait l'objet d'un formidable clin d'oeil dans Big Hero 6. Hilarant.

_____________________________________________________________________________

Big Hero 6 (Les nouveaux héros) prend l'affiche le 7 novembre Les frais de voyage ont été payés par Walt Disney Studios Pictures.