Vénéré par les artisans du cinéma d'animation, particulièrement les adeptes de la technique du stop motion, Travis Knight a mis une dizaine d'années de travail dans The Boxtrolls, une histoire un peu trash campée dans l'Angleterre de l'ère victorienne.

Au départ, il y avait un livre d'Alan Snow, intitulé Here Be Monsters. Quand Travis Knight l'a lu, son studio d'animation Laika était à l'époque déjà mobilisé par la production d'un premier long métrage, Coraline.

«Cet univers m'a tout de suite séduit, a récemment raconté l'animateur au cours d'une rencontre de presse tenue à Los Angeles. Chaque page de lecture était un cadeau. Snow a créé un univers incroyablement riche. C'est comme si l'univers de Charles Dickens croisait celui des Monty Python. Évidemment, l'idée d'une adaptation m'a tout de suite traversé l'esprit. Le hic, c'est qu'il fallait ramener ces 500 pages à un scénario de film. Il était alors essentiel de privilégier une ligne directrice et d'emprunter clairement un point de vue. Sinon, ça ne peut pas fonctionner sur grand écran. Ça nous a pris 10 ans!»

La décision fut alors prise de changer le titre afin d'évoquer de façon plus précise les petits personnages monstrueux - mais attachants - qui peuplent le monde souterrain de Cheeseberg, une ville anglaise huppée. Selon la légende qui circule auprès des habitants de cette petite bourgade reconnue pour ses fromages fins, les «trolls en boîte» seraient des monstres immondes qui rampent dans les égouts la nuit pour voler aux citoyens ce qu'ils ont de plus précieux: leurs enfants et leurs fromages. La vérité, bien sûr, est tout autre.

Ces drôles de petites bestioles, un peu délinquantes, mais pas malines, portent en fait des boîtes de carton recyclé en guise de carapace. Elles ont en outre pris sous leur aile Eggs, un garçon orphelin qu'elles ont élevé comme l'un des leurs. Aussi, ce dernier, qui se croit plus troll qu'humain, sera-t-il un allié formidable le jour où un exterminateur se pointera pour éliminer la communauté à des fins politiques.

Technique «à l'ancienne»

À l'instar de Coraline et de ParaNorman, les deux autres longs métrages produits par le studio Laika, The Boxtrolls est un film d'animation tourné «à l'ancienne», grâce à la technique du stop motion. C'est dire que chaque séquence est mise en place de façon minutieuse avec des figurines, qu'on fait bouger une fois un plan tourné. Le travail est titanesque.

«Personnellement, j'ai à peu près quatre expressions dans la vie, ironise Travis Knight. Eggs, lui, peut en avoir plus de 1 million! À Portland, où sont nos studios, il pleut tout le temps. Il n'y a rien à faire d'autre que de jouer avec des figurines!»

Plus sérieusement, le directeur de Laika, aussi producteur du film et animateur en chef, ne compte jamais se reposer sur ses lauriers, malgré la réputation enviable dont il dispose.

«Je ne ressens pas la pression du milieu, mais plutôt celle que nous nous imposons nous-mêmes, explique-t-il. J'adore le processus créatif. Chaque étape est exaltante, mais elle apporte aussi ses défis. Il arrive souvent que tu veuilles te cogner la tête contre les murs tellement les obstacles se font nombreux. Mais au bout du compte, l'effort en vaut la peine. J'ai l'impression qu'on peut aller tellement plus loin encore!»

Si The Boxtrolls s'adresse au plus large public possible, il reste que le style graphique et les thèmes abordés n'ont strictement rien à voir avec les dessins animés traditionnels. À cet égard, Knight ne craint pas d'aborder des sujets plus morbides, histoire de faire écho à la vraie nature des contes classiques.

«En principe, les films que nous produisons s'adressent à toute la famille, souligne Travis Knight. Mais contrairement à la définition générale du «film familial», qu'on destine essentiellement aux tout-petits, nous fabriquons des films qui peuvent être appréciés par des publics de tous âges. En ce sens, notre définition de la famille est beaucoup plus large. On essaie de faire en sorte que les enfants, les adolescents et les adultes puissent y trouver leur compte, parfois pour des raisons différentes. Harry Potter, Le Seigneur des anneaux et Hunger Games sont tous des films destinés à la famille, mais leurs créateurs ont trouvé le moyen d'aller assez loin à l'intérieur même de cet espace-là. C'est ce qu'on vise.»

Un exercice libérateur pour Sir Ben!

Coréalisé par Anthony Stacchi et Graham Annable, The Boxtrolls met en valeur, dans la version originale, les voix de Sir Ben Kingsley, Isaac Hempstead Wright (Games of Thrones), Elle Fanning, Nick Frost, Simon Pegg et Tracy Morgan.

«Jouer un personnage de film d'animation est très libérateur!, déclare en outre Ben Kingsley. J'aurais aimé vous dire que j'ai porté une perruque et un corset quand j'ai enregistré ma partition pour être en phase avec mon personnage, mais non. Je me suis retrouvé seul dans un studio, confortablement assis dans un fauteuil, à jouer le texte de la façon la plus colorée possible. J'ai vu pour la première fois l'extraordinaire travail des animateurs seulement quand un extrait du film a été présenté au Comiccon des mois plus tard à San Diego!»

Il est à noter que le Québécois Michel Breton (Les triplettes de Belleville) est l'un des principaux concepteurs visuels du film. Une version française doublée au Québec, intitulée Trolls en boîte, met par ailleurs en évidence la performance vocale d'Étienne Cousineau, candidat à l'émission La voix l'an dernier.

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The Boxtrolls (Trolls en boîte en version française) prend l'affiche le 26 septembre. Les frais de voyage ont été payés par Films Séville.